Dans le magazine français le Nouvel Obs, l’association Fabrication Humaine, soutenue par de nombreux·euses artistes (Mathieu Kassovitz, Thomas Dutronc...), réclame la création d’un label qui permettrait d'étiqueter les œuvres créées sans intelligence artificielle. Ce label appelé "Fabrication Humaine" est déjà en cours d'utilisation.
Vous le savez déjà certainement, les enjeux et débats autour des créations réalisées par ou à l'aide de l'intelligence artificielle sont colossaux... et ce n'est qu'un début. Pour donner un petit ordre d'idée, Spotify a déjà supprimé des dizaines de milliers de titres présents sur sa plateforme créés par la société Boomy via une intelligence artificielle. En 2023, certaines sources ont suggéré que le nombre de chansons créées artificiellement pourrait représenter entre 5 % et 10 % des titres présents sur la plateforme... un chiffre en évolution constante.
Voici un résumé de la tribune:
«Nous sommes un collectif d’artistes, lecteurs, auditeurs, spectateurs, experts en IA, éditeurs, producteurs, galeristes, libraires, journalistes, simples citoyens… témoins des progrès de l’intelligence artificielle générative (ChatGPT, Gemini, Bard, Midjourney, Dall-E, Sora, Suno, etc.) qui va profondément "changer" la société telle que nous la connaissons aujourd’hui. Sa puissance est telle qu’elle va bouleverser la vie de "chacun" d’entre nous. On peut s’en réjouir à plus d’un titre, mais à condition d’être préparés à cohabiter avec cette nouvelle intelligence pour ne pas abdiquer ce qui fait notre condition d’humain.
Le monde culturel dans son ensemble est très préoccupé par ces perspectives. Les créateurs, artistes de tous secteurs, mais aussi l’industrie en général tentent d’y voir clair et de trouver des solutions. (...)
Faut-il à tout prix défendre le "réel"? L’origine humaine d’une œuvre, c’est aussi une forme de réalité, de vérité, de crédibilité, le partage d’une sensibilité et d’une expérience humaine. (...) Les créateurs se trouvent face à un choix difficile, poursuivre leur création en ignorant les facilités offertes par l’IA ou en tenir compte et se l’approprier. Ce dernier choix s’impose le plus souvent pour des raisons économiques, à tort ou à raison.
Il n’empêche, la création d’œuvres d’origine humaine doit subsister, qu’elle soit ou non assistée par l’IA. Le simple fait de devoir le préciser montre à quel point elle est en péril. C’est pourquoi il nous semble prioritaire d’identifier dès aujourd’hui les œuvres créées par les humains, pour les distinguer de celles générées par les machines, afin de permettre au public de distinguer les œuvres conçues par l’homme et celles conçues par IA.
(...) Identifier l’œuvre d’origine humaine est donc fondamental. Si nous ne le faisons pas maintenant, nous risquons de nous retrouver inondés d’œuvres dont on ne connaîtra pas l’origine.
Alors, comment identifier une œuvre d’origine humaine, permettre un moyen efficace d’information du public? Différents moyens sont expérimentés, comme l’utilisation d’une IA pour détecter une autre IA, marquer les œuvres générées par IA… Mais, la problématique ne va cesser de s’amplifier, les systèmes de se complexifier, de gagner en puissance. Il n’est déjà presque plus possible de faire la distinction entre l’origine humaine ou artificielle d’une œuvre. Alors, que faire?
Nous sommes convaincus que la solution repose sur la responsabilité et l’engagement de l’artiste ou de l’entité qui désire aller vers plus de transparence. C’est un "contrat de confiance" entre celui qui crée l’œuvre et celui qui la reçoit et évite les débats sur les faibles moyens actuels d’identifier par la technique un produit de l’IA.
Nous avons donc décidé de promouvoir un label qui peut être apposé sur une œuvre d’origine humaine. (...) Il est gratuit et informatif. Il s’agit d’abord et avant tout d’un acte déclaratif n’engageant que l’auteur qui décide de l’apposer sur son œuvre, pour informer de l’origine humaine de sa création. Ce label n’exclut pas l’IA comme "outil": le label peut être utilisé dans le cas d’une utilisation purement technique excluant tout usage de l’IA dans l’élaboration créative et esthétique de son œuvre.
Le label "Fabrication Humaine" existe depuis peu, il a été utilisé pour la première fois le 5 janvier dans le domaine de la bande dessinée sur l’œuvre Bunkerville de Vincenzo Balzano, Pascal Chind et Benjamin Legrand (Ankama Editions). C’est une initiative citoyenne de l’auteur réalisateur Pascal Chind (également président de l’association Fabrication Humaine).»