ECHT!
Mélange détonnant de trap, électro, hip-hop et jazz, façon DJ mais totalement acoustique, ECHT!, le combo bruxellois composé de Dorian Dumont, Martin Méreau, Federico Pecoraro et Florent Jeunieaux sort son premier album. Larsen a pris rendez-vous au Volta, QG du groupe, pour en parler.…
Inwane, c’est quoi ?
Florent Jeunieaux: C’est un mot anglais qui signifie aller vers le déclin.
C’est un titre un peu pessimiste inspiré de la situation des derniers mois ?
Martin Méreau: On n’a pas pu se voir pendant le premier confinement, c’était frustrant et c’est Florent qui a poussé le groupe à se donner un objectif. On a préparé l’album pendant le premier confinement et on a enregistré des sessions entre les deux vagues.
Cet album ne contient que des compositions originales alors que, souvent, vous reprenez et triturez des morceaux des autres…
F.J.: Sur Douf, ce n’était déjà que des compos originales. Les reprises, c’est sur SoundCloud, en live ou lors des BREWmix (live sessions disponibles sur YouTube ou SoundCloud,– ndlr). Sur scène, on joue sur le modèle d’un DJ : on joue notre musique que l’on mélange à celle des autres. Par contre sur disque, ce seront toujours des originaux.
Federico Pecoraro
J’aime aussi faire des choses que je ne suis pas censé faire.
Cela donne des choses uniques. C’est du hasard programmé
La façon d’écrire, entre le premier EP et cet album, au vu des circonstances, a-t-elle été différente?
M.M.: C’était pareil. C’est à-dire que l’on trouve beaucoup d’idées à 2, 3 ou 4 dans notre local. La différence ici, c’est que l’on a eu du temps, un peu forcé, mais on a aussi et surtout voulu prendre du temps.
Federico Pecoraro: On a beaucoup travaillé à la maison tout en restant en contact, en échangeant des idées, en se disant qu’on allait se retrouver et travailler cela ensemble. C’est un état de création permanent et d’échanges constants.
L’univers est homogène mais vous cherchez des couleurs, des rythmes et des émotions différentes.
F.J.: On est curieux et on écoute de tout. Il y a des morceaux qui sonnent comme de la trap, d’autres plus future bass music, inspirés de la scène londonienne. Pour nous, tout s’assemble, mais c’est clair que certains morceaux sont plus polarisés. Parfois, on avait envie d’ouvrir un peu, que le côté humain revienne. Il y a donc un peu d’esprit jazz qui remonte à la surface. Cela amène de la chaleur dans un univers parfois chirurgical et froid. Pour cela, on a invité Sylvain Debaisieux (saxophoniste et improvisateur,– ndlr) sur Dunes, par exemple.
Il y a d’autres invités, il me semble, sur 500 Gr. entre autres ?
M.M.: On s’est rendu compte que c’était assez brass. Alors, on a enregistré de vrais cuivres. On a profité du son et de l’espace d’une église pour cela.
F.J.: C’était une façon de rechercher de l’authenticité, d’obtenir un vrai grain.
Florent Jeunieaux
Ce que j’aime dans le groupe c’est que l’on est super exigeant.
On élague, on cherche jusqu’à ce que ce soit vraiment bon.
Avez-vous demandé quelque chose de précis aux musiciens ?
F.J.: Au niveau de la musique, c’était très clair, puisqu’ils doublaient une ligne de synthé. On a ensuite travaillé le mix. On a réfléchi pour savoir si on voulait quelque chose de brut. Que l’on reconnaisse l’instrument ou que, au contraire, ce soit plus “produit”. On a joué l’entre-deux. On reconnaît, puis ça disparaît. Dans Permanent, il y a un cor et un tuba, ça ne se remarque peut-être pas car tout a été trafiqué, c’est très synthétique. On aimait la couleur de base mais dans l’équilibre du mix, il était plus approprié de transformer le son.
Avec les années, vous maîtrisez de plus en plus les sons. Dorian disait, au tout début de l’aventure, qu’il cherchait sans savoir où il allait et qu’il y avait une dose de hasard.
M.M.: Oh, il y a encore un peu de hasard. C’est important dans les sons. On s’en rend compte après les avoir joués. Il faut les réécouter après une partie de billard à bouchons par exemple (rires), écouter ce qu’on a enregistré et découvrir les sons comme si ce n’était pas nous qui jouions. On a parfois de bonnes surprises. Il faut aussi se laisser guider par le feeling.
F.P.: J’aime aussi faire des choses que je ne suis pas censé faire. Utiliser des pédales qui ne sont pas prévues pour certains amplis. Cela donne des choses uniques. C’est du hasard programmé.
C’est de la création en groupe que vous vous imposez ?
M.M.: C’est une façon de travailler volontaire. Si tout le monde n’y trouve pas son compte dans chaque chanson, ça ne marchera pas. On ne pourrait pas faire ça dans un groupe avec leader et sidemen. Cependant, l’un de nous amène parfois un thème qu’il faut absorber.
F.J.: Ce que j’aime dans le groupe c’est que l’on est super exigeant. On n’a pas peur d’abandonner des informations ou des idées. On élague, on cherche jusqu’à ce que ce soit vraiment bon. Cela prend du temps.
M.M.: Ça doit être épanouissant tout le temps. On veut tout améliorer tout le temps. Honnêtement, ce disque est là pour durer. Il a été pensé et travaillé sans concessions, il fallait qu’il nous plaise et que l’on puisse vivre avec longtemps. Cela donne aussi une direction dans notre manière de travailler pour la suite. On s’est posé beaucoup de questions au niveau de la production. Parfois, on s’éloignait de l’idée de base mais cela servait la musique. On a testé des choses. Et Rowan Van Hoef, notre ingé-son au Jet Studio, a eu un rôle hyper important aussi.
Combien de temps êtes-vous restés en studio ?
M.M.: Cinq jours. Mais on avait beaucoup travaillé en amont, la matière première était très élaborée. En studio, c’était enfin le moment d’entendre la musique avec un vrai son.
F.J.: Le studio a permis aussi d’utiliser encore autrement l’acoustique. Il y avait un vrai piano, un vibraphone, un marimba. J’avais amené d’autres guitares. On a enregistré tout ça, on a finalement gardé peu de choses, ou des petites touches, mais c’était important.
F.P.: Moi, j’ai pu jouer avec des vieux Roland Space Echo. Des delays sur une machine analogique, avec des bandes ! C’était dingue. On était là pendant cinq jours, pas pour boire des coups, mais pour bosser (rires)!
Les titres sont souvent empreints d’humour. Que se cache-t-il derrière 500 Gr, par exemple ?
F.J.: Ha… on y est (rires) ! C’est pour faire travailler l’imagination des auditeurs.
M.M.: C’est comme la valise de Tarantino, ça s’ouvre, tu ne vois pas ce qu’il y a dedans et tu ne le sauras jamais. Charlier,c’est plus clair. C’est inspiré du début d’un thème de la méthode Charlier pour trompette. C’est un nom de travail qui est resté longtemps et qu’on a gardé. Même si le morceau a beaucoup évolué.
Quant à Champi ?
F.J.: Champi était un sans-abri de Mons, connu de tout le monde. Il était complètement allumé. Tout le monde l’appelait Champi, alors que son nom était René. Il hurlait partout « Champi ! Champi ! » et chantait Take me to the next whisky bar de Bertolt Brecht et Kurt Weill… On voulait lui rendre hommage, car c’était un personnage hors du commun et très attachant.
M.M.: Il y a une vidéo sur YouTube qui est touchante car on y voit le côté drôle et déglingué du personnage et aussi le côté réel et terrible de sa situation de SDF.
F.P.: J’avais enregistré des extraits avec mon téléphone quand il hurle « Je ne m’appelle pas Champi ! » ou « L’arrache totale ! ». Je les ai placés dans le loop, pour la blague, mais lors de la prod finale, on les a gardés et c’est puissant.
Et après la sortie de l’album ?
F.J.: On a une release en octobre au Beurs et puis… On ne peut pas rejouer dans des clubs habituels. Il faut une certaine infrastructure, un minimum d’espace. On travaille sur la lumière et la mise en scène. On sait qu’il faudra s’adapter aussi aux endroits plus petits, mais cela doit être un spectacle total.
ECHT!
Inwane
Sdban Records