Marcel Superstar
Le belge qui a tout osé
En 2003, un documentaire sur Marcel de Keukeleire, éditeur, producteur de musique et dénicheur de talent à Mouscron fait énormément parler de lui. Et pour cause, ce disquaire et ancien accordéoniste est à l’origine de succès interplanétaires comme Brasilia carnaval, La danse des canards et Born to be alive… Retour sur un film presque aussi mythique que son personnage principal, avec Olivier Monssens, le réalisateur du doc.
Le scénario est né dans les années 90, lors d’une émission de radio comme l’explique Olivier : « J’avais fait une série d’été sur les coulisses, hauts en couleur, du show business belge de notoriété internationale. Chaque fois que je m’intéressais à l’un ou l’autre chanteur, un nom revenait dans la conversation: Marcel de Keukeleire. Je lui ai donc consacré une semaine entière.» Beaucoup plus tard, le journaliste, chroniqueur et homme de radio, ajoute une corde à son arc et se lance dans un documentaire. Il rencontre un producteur séduit d’emblée par le scénario de Marcel Superstar: « J’aime partir de quelque chose de très connu dans la mémoire collective et aller voir les coulisses. Là j’étais servi : j’avais 2 producteurs, Marcel de Keukeleire et Jean Van Loo qui, sans jamais quitter leur arrière-cuisine ont travaillé avec les plus grands. Plus j’avançais dans l’enquête plus j’étais touché par le côté extrêmement humain de ces personnages. » Les disques étaient pour la plupart enregistrés au studio Katy, le studio de Marc Aryan.
Olivier Monssens
Il faut avoir la même rigueur quand on aborde la vie
du producteur de la Danse des canards que celle de Jean Moulin
La RTBF a rapidement été intéressée par le scénario mais c’est ARTE qui donnera vie au film. Le producteur d’Olivier, Patrick Lauber, participait à un workshop pour expliquer à des confrères comment “pitcher” un sujet. « Il a présenté mon documentaire sur scène devant une salle remplie de gens du métier. Parmi eux, une productrice d’ARTE Allemagne a été séduite par le scénario et l’a acheté. » Le film sera donc diffusé le 20 juillet 2003 lors d’une soirée Thema intitulée Paillettes et yéyé. Les réactions ne se font pas attendre… Le journal Le Monde est élogieux. Le journaliste, en parlant du titre de JJ Lionel, dira ceci: « Derrière ces quelques notes de musique un rien ringardes se cache un producteur belge de génie, Marcel de Keukeleire, roi des hit-parades mondiaux entre la fin des années 1960 et le début des années 1980. » « L’article était positif et pas du tout moqueur. Les gens ont ri avec les protagonistes », souligne Olivier Monssens. D’autres papiers sortent sur le documentaire comme dans le Parisien, les Inrocks… En Belgique aussi bien sûr dans Ciné Télérevue, La Libre Belgique et Le Soir. France 3 a même racheté les droits du documentaire pour le diffuser plusieurs fois. « Encore aujourd’hui on m’en parle, il a tourné pendant 7 ans mais les droits sur les images d’archives sont limités dans le temps. Malheureusement on ne peut donc plus le diffuser… » Qu’à cela ne tienne, en 2016, le producteur d’Oliver reçoit un coup de fil pour que le film soit présenté dans le cadre de la 3e édition du F.A.M.E (Film And Music Experience), festival de cinéma & pop culture, à la Gaieté lyrique à Paris, dans leur section vintage. Le journal Libération en fait un article et Rebecca Manzoni, journaliste culturelle sur France Inter, parle du film pendant 10 minutes au peak time de la matinale. Le documentaire s’offre une nouvelle jeunesse… « Ce film raconte la culture populaire mais les gens ont bien compris que ce n’était pas une hagiographie de ces tubes. J’avais beaucoup de réactions de jeunes collègues ingénieurs du son en radio qui trouvaient fascinant, sans la technologie actuelle, de faire des tubes à la bonne franquette. L’histoire est touchante, elle montre que l’on peut faire les choses avec son ressenti et le plus simplement possible. » Pointons effectivement le passage du documentaire où Jean-Luc Drion, compositeur et arrangeur pour Marcel, explique comment il a transformé un boléro composé par son comptable à l’accordéon en un véritable tube: Brasilia Carnaval. Il écrit les paroles et les enregistre le jour même dans un studio bruxellois. Résultat: 7 millions d’exemplaires écoulés depuis 1975. Malheureusement peut-être pour l’auteur du documentaire, ni Marcel de Keukeleire, ni Jean Vanloo n’étaient encore vivants lors du tournage. « J’ai une tendresse particulière pour Marcel (mort en 1986) et j’aurais aimé le connaître. Ce qui me fait plaisir c’est que ces personnages continuent à vivre. Par contre, je n’aurais peut-être pas eu la même liberté de parole s’ils avaient été présents dans le film. Il n’y a jamais rien de méchant dans les propos tenus mais le film aurait été différent. »
Notre cinéaste ne s’est pas arrêté en si bon chemin. C’est tout naturellement à la vie et à l’œuvre de Marc Aryan qu’il consacre son 2e documentaire. «J’avais envie de poursuivre dans cette veine-là. C’est fascinant qu’un homme d’un mètre 56 et 65 kg ait été chanteur de charme, puis à la tête d’un studio équipé d’une console 48 pistes qui a accueilli les plus grands artistes du monde entier. » Patrick Hernandez y a enregistré Born to be alive et Marvin Gaye l’album Midnight Love sur lequel on retrouve le célèbre Sexual Healing.»
Beaucoup plus tard en 2017, les belges ont la cote. L’époque où ils étaient risée des français est bel et bien révolue et le producteur Georges-Marc Benamou le sait très bien. Il propose à Olivier de faire un film sur ses compatriotes qui tiennent la barre aujourd’hui en France. Pour France 3, il réalise Les Belges ça ose tout diffusé aussi sur la RTBF. « Le film soulignait le phénomène des Belges en France qui existaient déjà depuis les années 2000 avec des comédiens comme Marie Gillain ou Jeremy Régnier… Ils ne cachaient pas leur origine mais ne la mettaient pas en avant. Tandis qu’aujourd’hui toute cette vague d’humoristes, Alex Vizorek, Stephane De Groot, Guillermo Guiz revendiquent sur antenne leur appartenance à la Belgique et l’utilisent même pour se moquer des Français. »
Avec plus de 10 documentaires, l’aventure ne semble pas s’arrêter pour Olivier Monssens. Son dernier-né, diffusé il y a tout juste un an, explorait les coulisses d’AB productions. « Azoulay et Berda ce sont les Stock-Aitken-Waterman de la télévision, c’est de la production industrielle de séries. Mais quand je suis allé sur le tournage des Mystères de l’amour, j’ai constaté que des liens forts se sont créés entre les comédiens, il y a toujours de l’humain derrière. » Et aujourd’hui me direz-vous? Outre ces activités de chroniqueur sur Classic 21 et La Première, Olivier commence le tournage d’un nouveau film sur les derniers jours de Jim Morrison à Paris. « L’histoire a certes déjà été écrite mais c’est toujours intéressant de trouver de nouveaux témoins. »
Filmographie
En 2020, Dorothée, Hélène et les garçons : génération AB productions pour TF1/TMC
En 2019, High Energy – le disco survolté des années 80 pour ARTE En 2018, Disco Europe Express pour ARTE.
En 2017, Les Belges ça ose tout, documentaire pour France 3.
En 2013, Philippe Geluck, l’échappé belge pour France 3 et la RTBF En 2012, Yolande Moreau, les nuages et la terre pour Canal+, France 3 et la RTBF
En 2011, Sandra Kim, l’autre vie pour la RTBF
En 2006, Plastic Bertrand court toujours pour France 3 et la RTBF
En 2005, Marc Aryan, chanteur de charme pour France 3 et la RTBF
En 2003, Marcel Superstar pour ARTE
En radio
Sur RTBF-Classic 21, 4e saison de Radio Caroline, Olivier s’intéresse aux phénomènes de la pop culture que ce soient les révolutions, les contestations, les tubes, qui ont changé la société et le monde.
Sur RTBF-La Première, il propose la chronique Sur une bande magnétique un peu folle chaque lundi dans le Mug.