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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Françoiz Breut

En mouvement perpétuel

Nicolas Alsteen

En mouvement sur des sonorités synthétiques, les mots de Françoiz Breut entrevoient l’avenir sur un album radieux. Après ses collaborations avec Dominique A, Calexico, Yann Tiersen et tant d’autres, la chanteuse bruxelloise rénove les codes de son univers en compagnie de nouveaux amis. Vingt-cinq ans de carrière et toujours pas l’ombre d’une ride, pas un seul signe d’essoufflement dans les rangs d’une discographie qui, au fil du temps, s’embellit. Inexorablement.

Françoiz Breut

Du port de Cherbourg aux abords du canal bruxellois, la vie de Françoiz Breut est tout sauf un long fleuve tranquille. Illustratrice de formation, chanteuse de confession(s), l’artiste s’est inventée un monde à part en brodant de précieux refrains aux bras de personnalités croisées sur le chemin. De Katerine à Louise Attaque, de Calexico à Adrian Utley (Portishead), les mélodies de Françoiz Breut entretiennent toujours un rapport aux autres. Son septième album studio confirme d’ailleurs la tendance. Conçu aux côtés de Marc Mélia, Roméo Poirier et François Schulz, ce disque met la langue française au contact de l’électro. Avec élégance et sensibilité, la chanteuse embrasse l’époque, ses tares, ses torts. Tout ce qui ne tourne plus rond sur la planète sert ici à embellir un intérieur habité et ultra sophistiqué. La Fissure, par exemple, est une chanson anti-nucléaire en duo avec Jawhar qui, pour l’occasion, délaisse la langue arabe pour chanter comme Bertrand Belin. Ailleurs, les titres Métamorphose ou La Chute des Damnés se dandinent sur des sons cosmiques. Signée sur le label 30 Février (Saule, Suarez), Françoiz Breut ne se planque plus derrière ses dessins. Désormais, elle apparaît clairement sur la pochette de l’album. Ses chansons, en revanche, se cachent sous un titre en forme de trompe-oreilles.

Pas très loin des chaussettes de l’archiduchesse, la locution “Le Flux Flou de la Foule” est facile à lire, mais pas à dire. Pourquoi un tel intitulé pour ce disque ?
Ces mots résument bien la pagaille générale dans laquelle nous vivons pour l’instant. À l’origine, ce titre découle de mon rapport à Bruxelles. C’est un endroit où j’aime vivre. Mais il faut bien avouer que la gestion de l’espace urbain et des organes sociaux laisse parfois à désirer. Les politiciens réfléchissent d’abord la ville pour ceux qui consomment et dépensent de l’argent. Pas pour celles et ceux qui y vivent. Le Flux Fou de la Foule, c’est aussi un clin d’œil à la mise en œuvre du disque : un chantier assez compliqué, voire chaotique.

 

Françoiz Breut

J’aime encore la guitare et les sonorités acoustiques.
Mais j’avais envie d’essayer autre chose.

 

Quels obstacles avez-vous rencontrés ?
Au départ, j’imaginais m’enfermer plusieurs jours dans un local avec mes musiciens pour composer les chansons. Sauf que rien ne s’est passé comme ça. Tout s’est dessiné dans un va-et-vient de fichiers informatiques. La fabrication du disque s’apparente à de la broderie. Au début, c’était très décousu. Puis, de fil en aiguille, les idées se sont assemblées.

L’album est né pendant le confinement. Comment occupez-vous vos journées sans la scène ?
Pour l’instant, je devrais être en tournée… avec une compagnie de théâtre. Je devais jouer un rôle dans une pièce inspirée par l’univers fantastique de Little Nemo in Slumberland, une BD créée en 1905 par l’auteur américain Winsor McCay. Je suis arrivée là-dedans après avoir donné une interview radio dans laquelle je citais cet ouvrage comme l’une de mes références graphiques. L’info est tombée dans l’oreille de la metteuse en scène Émilie Capliez. Voilà deux ans que nous travaillons d’arrache-pied sur cette pièce. Ce sont mes premiers pas (officiels) dans le monde du théâtre…

Chanteuse, autrice, illustratrice, plasticienne et maintenant comédienne : vous jonglez depuis toujours avec différentes casquettes. Dans quel rôle vous sentez-vous la plus à l’aise ?
Je refuse de choisir. Dans le monde actuel, il est impossible de se limiter à un seul métier. Il faut absolument diversifier ses activités et faire preuve d’ouverture d’esprit. Quand une crise sanitaire – ou une autre – bouleverse votre quotidien, on voit bien qu’il faut être en mesure de réagir pour se retourner et continuer à travailler. Et puis, je pense que mes différents modes d’expression se nourrissent les uns des autres.

Le nouvel album marque un pas en direction des musiques électroniques. C’est une évolution naturelle ?
J’aime encore la guitare et les sonorités acoustiques. Mais j’avais envie d’essayer autre chose. Ces derniers temps, je me suis intéressée aux synthétiseurs et à l’électro. En m’associant avec Marc Mélia, Roméo Poirier et François Schulz, j’ai envisagé d’autres façons de poser mes mots sur les sons.

Pourquoi avoir changé d’équipe à l’heure d’enregistrer Flux Flou de la Foule ?
Dans ma carrière, j’ai souvent été confrontée à des changements de personnel. J’ai dû apprendre à fonctionner avec les autres, à m’adapter à leurs disponibilités et à leurs sensibilités. En plus, j’ai toujours envisagé la musique comme une affaire de rencontres. Là, par exemple, j’ai croisé la route de Marc Mélia via mon agence de booking. Marc est un surdoué des synthés. Il a également produit le disque. Romain Poirier, je le connais via son papa, Philippe, qui jouait avec le groupe Kat Onoma. Quand son fils est venu s’installer à Bruxelles, je cherchais justement un batteur… François Schulz est un guitariste et musicien polyvalent qui jouait avec Les Hoquets, un groupe totalement atypique, connu pour avoir résumé l’histoire de la Belgique dans un disque complètement surréaliste. On se connaît depuis longtemps : j’étais sa monitrice en colonie de vacances.

Qui est la petite fille qui rigole dans le morceau Vicky ?
C’est Suzanne, la fille de Mocke (Holden, Midget!) et Claire Vailler (Midget!). À la fin de la chanson, elle se bidonne comme une folle. Cela vient renforcer le petit côté espiègle de la mélodie. À l’origine, je me suis lancée là-dedans avec l’envie d’évoquer la contagion du rire. Tout est parti du fou rire d’Elvis Presley à Las Vegas, quand sa choriste se rate sur le couplet de Are You Lonesome Tonight ?

L’album s’achève sur Mon Dedans Vs Mon Dehors. C’est un morceau sur le yin et le yang ?
Plutôt une chanson sur le temps qui passe. Même si notre apparence s’effrite, que le corps change, je suis persuadée que nous gardons toujours une âme d’enfant. Notre caractère, du moins, ne change pas fondamentalement. C’est donc une chanson sur le thème de l’acceptation. De quoi terminer l’album sur une note positive.


Françoiz Breut
Le Flux Flou de la Foule
30 Février/[PIAS]