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par le Conseil de la Musique

GRAVAS

Quand la peinture se fait chanson

Didier Stiers

Après deux ans de gestation, Gravas éclot enfin. Leur premier album s’écoutera dès ce 28 mars et, le 16 avril, sera l’occasion d’un concert “release” au Botanique. Ce trio ne vient pas de nulle part mais il ne brûlera pas les étapes : « Nous avons commencé par les bars, comme tout le monde. Nous ferons comme tout le monde, ça ne nous fait pas peur ».

Si le groupe s’est appelé Gravas, c’est parce qu’il est emmené par… Aurélie Gravas. Rien de plus simple. « J’écrivais des textes et des petites chansons, raconte cette dernière. Et puis j’ai contacté Françoise que je connaissais déjà depuis une dizaine d’années, sans vraiment la côtoyer. Mais avec en tête une idée de voix féminines, un désir d’harmonies vocales. Françoise m’a ensuite présenté Marc et puis voilà, nous avons travaillé pendant deux ans autour de tout ça… »
 

Aurélie Gravas
C’est toujours le rapport à la peinture qui me fait écrire.


Récapitulons. Gravas pratique une musique folk/rock minimaliste vectrice d’émotions. Au chant, à la guitare et au kalimba, Aurélie Gravas donc : « Peintre envoûtée par la musique et chanteuse obsédée par la peinture, qui transforme ses visions hallucinées en chansons ». Élevée musicalement par ses frères, qui lisaient Les Inrockuptibles et se jetaient sur les compiles encartées dans le magazine. « Je pense qu’à quinze ans, j’écoutais le Velvet… et ça ne m’a jamais quittée. » Pour la petite histoire, elle a déjà sorti un premier EP en 2019 (Mad Girl’s Love Songs) sous le pseudo de La Femme d’Ali, en compagnie, notamment, de Luc Van Lieshout de Tuxedomoon. Mais reprenons. Aux percus et au chant, Françoise Vidick, qui n’est pas une inconnue sur le circuit des concerts (Zap Mama, Adamo, dEUS, BJ Scott…). En plus d’avoir co-fondé Joy avec, on s’en souvient, petit frisson à l’appui, Marc Huyghens ici à la guitare, à la basse et au chant. Il a été l’âme de Venus jusqu’en 2007 et aussi aux côtés de Dominique A, Phoebe Killdeer, Howe Gelb, Josh Haden et John Parish pour le projet Valparaiso.

Très visuel

Le trio a vu le jour il y a deux ans. « Mais Aurélie a trois vies, s’amuse Françoise Vidick. Sa famille, ses enfants et elle est peintre. Nous ne sommes pas non plus un groupe avec lequel nous nous voyons tous les jours, donc ça prend un peu de temps. Mais nous avons aussi beaucoup travaillé, quand nous nous sommes vus trois fois par semaine dans la cave ! » Pourquoi, quand on est peintre, on a envie de jouer de la musique ? À moins que ce ne soit l’inverse ? « J’avais beaucoup de mots, répond Aurélie. Car j’ai une pratique de l’écriture et beaucoup à raconter, même si ce sont des textes plutôt poétiques ou ambigus, pas forcément très narratifs. Auparavant, je mettais plutôt mes mots dans ma peinture, puis j’ai séparé les deux et j’ai commencé à écrire. Ensuite, je me suis demandée ce que je pouvais faire de ces textes qui n’avaient, pour moi, pas d’intérêt à être publiés. Et j’ai commencé à les chanter. 
En fait, ces mots me viennent quand je peins ou quand je m’ennuie et que je regarde… des trucs. » Toutes les chansons de Gravas sont ainsi nées d’un “visuel”. Tenez, par exemple, Teepee : « C’est un rêve que j’ai fait il y a dix ans et qui n’est jamais sorti de ma tête. » « Jean Brusselmans » ? « C’est un tableau. » Et Kitoko ? « C’est un documentaire. » Ou I’m on earth ? « C’est la fin du monde et un film d’Orson Welles que j’ai vu. » En un mot comme en cent : « C’est toujours ce rapport à la peinture qui me fait écrire. »

Pour Marc Huyghens, qui s’est également mêlé des arrangements et du mixage de ce bel album, Gravas est l’occasion de se mettre “au service de”. Au départ de démos qu’il trouvait intéressantes, comme il le dit : « Il y avait là quelque chose de spécial qui me parlait. Une sonorité, une texture… Il me semblait pouvoir y apporter ma patte. J’ai quand même arrêté pendant cinq ans. Je ne voulais plus faire de concerts. Et ici, au départ, il n’était question que d’enregistrer les morceaux. Mais en les entendant répéter à deux, j’ai trouvé ça hyper bien, hyper beau. Donc essayons ! Et puis voilà, ça a fonctionné rapidement, sans qu’on se pose 36.000 questions. C’est instinctif. »