Azmari
Groovy Trips
Sur les routes depuis 2015, les musiciens d’Azmari empilent les souvenirs de voyage au cœur d’un album fantastique. Expédition instrumentale truffée d’éthio-jazz, d’afro-beat, de funk et d’émanations psychédéliques, l’affaire traverse les frontières avec le coffre chargé d’instruments atypiques. De Bruxelles à Wadi Rum, le groupe colporte le groove et son goût pour les bons trips.
Souvent annoncée, maintes fois reportée, la sortie du deuxième album d’Azmari se concrétise enfin. « Notre disque, comme tant d’autres, a dû s’adapter aux réalités de la crise sanitaire, confie Arthur Ancion, batteur et membre fondateur de la formation bruxelloise. Normalement, il devait sortir au printemps. Puis, il y avait des concerts. Nous étions programmés à l’affiche du Fusion Festival à Berlin, mais aussi en Angleterre, au We Out Here, le festival créé par Gilles Peterson. Mais avec la pandémie, rien ne s’est déroulé comme prévu… » Attristé par l’annulation des dates européennes, Azmari trouve du réconfort au pays. « Entre septembre et octobre 2020, de nombreux centres culturels flamands ont dû parer à l’annulation des tournées internationales. En l’absence des artistes étrangers, ils sont venus frapper à notre porte… » Azmari se produit ainsi à Gand, Bruges, Anvers, Geel, Ostende ou Courtrai. Même si l’ambiance est plutôt statique et masquée, le groupe saisit sa chance. « Grâce à ces concerts, nous avons mis un pied en Flandre. Jusqu’alors, nous avions très peu joué là-bas. Nous étions sur la banquette. La défection des stars internationales nous a donné l’occasion de monter sur le terrain et de toucher un nouveau public. Lors de cette tournée inespérée, nous avons d’ailleurs écoulé tous les exemplaires d’Ekera. » Enregistré au lendemain d’un trip mémorable en Turquie, ce disque de 2019 marque le début d’une association avec le label gantois Sdban (STUFF., Glass Museum, Black Flower). « Notre présence dans leur catalogue a renforcé notre crédibilité à l’étranger, souligne le saxophoniste Mattéo Badet. En Allemagne, par exemple, nous étions en contact avec différentes agences de booking, mais aucune ne voulait vraiment de nous. Au lendemain de notre signature chez Sdban, nous avons reçu des coups de fil et plusieurs offres concrètes.
Azmari
Notre présence dans le catalogue de Sdban
a renforcé notre crédibilité à l'étranger.
Un véritable mystère
Poussé dans le dos par son label, Azmari s’élance alors à la conquête de l’Europe. Son premier disque sous le bras, le groupe bruxellois traverse la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie, la Suisse ou l’Autriche. « Entre les concerts, nous étions coincés à six dans un van, raconte Arthur Ancion. Nous en avons profité pour écouter de la musique. » Lancée sur les routes du Vieux Continent, la formation enfile les kilomètres et engrange des influences à l’écoute des disques de Demon Fuzz, Sons of Kemet, Shawn Lee, Hailu Mergia, Embryo et autres Heliocentrics. Et puis, il y a un nom qui a beaucoup compté pour nous lors de cette tournée. C’est Karl Hector & The Malcouns. Après un de nos concerts, ce groupe allemand nous a invités à enregistrer dans son studio. Le fruit de cette session se trouve actuellement dans un tiroir du côté de Munich. Nous attendons le bon moment pour le sortir. » La tournée européenne d’Azmari est également marquée par d’improbables remixes. « Sans que nous puissions l’expliquer, plusieurs DJ’s ont passé notre musique en soirée. Bizarrement, nous avons donc une vie parallèle dans les boîtes de nuit. » Alors que DJ’s italiens et allemands chauffent le dancefloor avec leurs anciens morceaux, les Belges se rassemblent à Beersel, dans l’antre du Studio Pyramide. « Nous sommes les derniers à avoir enregistré là-bas. Depuis, le studio a été démantelé. Pour ça, notre album est symbolique. » Intitulé Samā’ī, le disque en question marque une évolution dans le son. « Par le passé, nous étions totalement immergés dans la culture éthiopienne, explique Mattéo Badet. Le nom de notre groupe fait d’ailleurs référence aux musiciens qui arpentent les bars dans les grandes villes d’Éthiopie. Aujourd’hui, nos références musicales sont beaucoup plus vastes. Nos morceaux intègrent de nouvelles influences, mais aussi de nombreux instruments ramenés de notre voyage en Turquie : Bağlama, kaval et autres curiosités dont nous avons appris à jouer. » Pétries d’influences soul-funk, d’afrobeat et de substances psychédéliques importées du Bosphore, les compositions du gang bruxellois étirent les frontières au-delà des logiques continentales. Même si le nouvel album d’Azmari se détache des influences éthio-jazz et de la figure de Mulatu Astatke, l’Éthiopie demeure une Terre promise. « Ça reste le berceau de notre musique, remarque Arthur Ancion. À Bruxelles, sans que l’on sache pourquoi, l’Ambassade d’Éthiopie publie d’ailleurs nos morceaux sur son site web. C’est étrange. Car nous ne sommes jamais entrés en contact avec cette institution. Il s’agit là d’un véritable mystère.»
Azmari
Nous avons une vie parallèle dans les boîtes de nuit.
Connection divine
Mystérieux aussi, le titre du nouvel album d’Azmari entretient, en vérité, une relation cachée avec le soufisme. « Dans cette vision ésotérique de l’Islam, le Samā’ī est une sorte d’audition spirituelle, poursuit le batteur. C’est une écoute mystique qui s’accompagne généralement de danses giratoires. En principe, tout ça doit favoriser la communication avec l’au-delà… Même si notre disque n’a aucun lien avec la religion, nous aimons la dimension extatique associée à ce terme. À travers ses côtés les plus psychédéliques, notre musique flirte en effet avec la transe et les rythmes hypnotiques. » La pochette de Samā’ī s’inscrit, elle aussi, dans une optique hallucinogène. « Ce visuel découle d’une photo prise lors d’une de mes excursions à Wadi Rum, en Jordanie. C’est une représentation désertique qui fonctionne bien avec l’univers d’Azmari. » Les neufs morceaux de l’album voyagent effectivement aux confins de l’Orient, de l’Afrique et de l’Occident avec du soleil dans les yeux et un goût prononcé pour l’aventure. Entre les dunes et l’immensité du monde, Azmari continue de défricher des territoires inexplorés.
Azmari
Sama’ï
Sdban Records