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par le Conseil de la Musique

Johan Dupont trio

Quand il n'y a pas de mots

Jacques Prouvost

Johan Dupont est de toutes les scènes. On l’a vu avec Music 4 a While ou Big Noise, mais aussi aux côtés de Steve Houben ou Garrett List. Ce pianiste fougueux et virtuose sort enfin son premier disque sous son nom. Un album aussi intime que festif, aussi mélancolique que joyeux. Un album nécessaire.

C’est votre premier album en tant que véritable leader, tout seul comme un grand. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps avant de vous lancer?
Johan Dupont : Il y a eu le projet Music 4 a While, dont j’étais l’initiateur, même si j’ai partagé le lead avec la chanteuse. Pour Lydia, c’est un peu la conjonction de plusieurs choses qui ont fait que je me suis lancé. Je ne veux pas faire quelque chose juste “pour faire”. J’ai besoin d’une raison et là, il y en a eu plusieurs. La rencontre avec Stephan Pougin et Bo Waterschoot, d’abord. Je me suis dit que si je faisais quelque chose un jour, ce serait avec eux. Mais je suis quelqu’un de lent, j’ai besoin de décanter et d’assimiler les choses de façon sereine. Puis il y a eu le décès ma petite fille de quatre ans. Là, c’est devenu une vraie nécessité pour moi.


Johan Dupont
On associe la mélancolie à la dépression
mais quand elle est prise pour ce qu’elle est,
elle peut être un moteur.


Comment on surmonte un drame comme ça?
On ne surmonte jamais ça. C’est arrivé brutalement et je me suis retrouvé seul face à cela, personne ne peut se mettre vraiment à ma place. Je dois vivre avec. Mais la musique peut être un moyen de garder un contact. C’est une façon plus abstraite mais, pour moi, c’est quelque chose de cet ordre-là.

Cela change-t-il beaucoup de choses dans votre façon de composer ou de penser la composition?
C’est plus profond, je crois, c’est plus sérieux. L’importance s’est déplacée. Je m’en sers comme quelque chose qui me met dans un état qui peut me connecter avec certains aspects des choses. Attention, je ne suis pas non plus en train de jouer au mystique, c’est très personnel et je n’impose à personne de rentrer dans ce truc-là.

Ce qui est étonnant dans ce disque, c’est que l’on ressent de la mélancolie dans certains morceaux et, en même temps, beaucoup de joie et d’optimisme.
Oui, on pourrait faire un parallèle avec le blues qui est rempli de mélancolie et de positivité. On associe la mélancolie à la dépression, au burnout, mais quand elle est prise pour ce qu’elle est, elle peut être un moteur.

Comment avez-vous travaillé avec Stephan et Bo? Êtes-vous venu avec des compos et des arrangements terminés ou c’était vraiment un travail collectif?
L’intérêt est de trouver un état d’esprit et un son en commun. J’ai mes idées, j’explique un peu ce que je veux puis, en triturant la matière, quelque chose résonne en nous. Je ne peux pas envisager d'arriver avec un produit fini avec eux, je passe l’idée et puis ça tourne.

Il y a différentes humeurs, différents styles. Un peu de choro, de classique, d’orientalisme, de swing, 
de groove. Comment avez-vous agencé cela?
On est dans un monde où l’on entend beaucoup de choses différentes sans pour autant les chercher. Les musiques se sont imposées d’elles-mêmes et on les a acceptées, qu’elles soient latino ou arabisante. Bien sûr, le morceau de Stefan avait déjà une couleur et celui de Bo, Tata de Piraat, est clairement une samba. Moi, dans ma démarche, je ne pars pas d’un style, il vient par la force des choses.

Le fait de travailler avec des percussions et une basse électrique, ça change automatiquement la couleur d’un trio piano-contrebasse-batterie.
J’ai choisi Bo et Stefan parce que ce sont des musiciens que j’aime et que leur façon de faire la musique me plaît. Stefan joue des percus comme d’un véritable instrument harmonique. Bo a aussi un jeu particulier, elle propose des mélodies et a une conception de la musique qui se rapproche de mes affinités.

Pour quelle raison avoir enregistré dans un studio en Allemagne?
Je voulais un studio où l’on pouvait être ensemble dans la même pièce, sans séparations et avec un très bon piano. Notre ingé-son, Vincent De Bast, que j’apprécie vraiment beaucoup pour sa façon de participer et d’être en accord avec ma vision, a proposé Fattoria Musica à Osnabrück. On y est resté une semaine. Un luxe nécessaire. Des concerts sont prévus bien sûr et il y aura une date très importante, le 20 mai à Liège, avec les musiciens du Philharmonique. Cela apportera encore une autre dimension à la musique.


Johan Dupont Trio
Lydia

Flak Records