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par le Conseil de la Musique

Jawhar

Vers l'infini et au-delà

Lison Marsin

C’est un album se détournant de l’ombre que propose cette fois-ci Jawhar avec Khyoot. Tissé de fils invisibles entre le soi et l’infini, ce disque dévoile une poésie intime, toute en lumière.

Vous revenez d’un petit séjour à la Maison de la Poésie, on sent que l’album arrive tout bientôt et qu’une première date est prévue dans la foulée…
On sort d’une résidence de trois jours. C’était la deuxième pour la formule live de cet album. On en avait déjà fait une première où on a travaillé sur la musique. Là on travaillait plus sur l’aspect live avec un ingé son. C’est une formule un peu plus particulière, parce qu’on essaye de reprendre le disque avec très peu d’éléments. On voulait rester dans quelque chose de très épuré.
 

Jawhar Basti
Avec cet album, je retrouve une légèreté et une renaissance.


Quelque chose d’épuré ? Doit-on alors comprendre que ça sera très différent de l’album Tasweerah ? Est-ce un vrai tournant?
Oui, un tournant dans le sens où l’album précédent a été assez difficile. On entend d’ailleurs dans la couleur de l’album qu’il y avait un côté plus “dark”. C’était un album de confinement et une période un peu compliquée dans ma vie. Mais avec cet album-ci, je retrouve une légèreté et une renaissance. Il y a quelque chose qui m’a visité et qui 
m’a changé, une espèce d’amour de la vie et de ce qui m’entoure. Rien à voir avec le précédent donc. Je pense que quand on traverse quelque chose de difficile, au bout il y a une renaissance.

Le concept même de “khyoot” semble très abstrait. Est-ce une idée reliée à cette renaissance dont vous parlez?
“Khyoot”, ça fait référence à ces fils invisibles que je me suis mis à voir dans l’air, ceux qui nous relient aux éléments et à une source de vie en fait (en arabe, “khyoot” est le pluriel de “kheet”, un mot qui signifie filament, fine corde ou ficelle, – ndlr). J’ai su que c’était le chemin à suivre et c’est devenu le fil rouge de cet album. Le premier morceau parle d’ailleurs de cette magie de l’instant. Au lendemain de cette crise, c’est littéralement ce que j’ai vu, des filaments entre moi et l’infini et c’est comme si la vie m’appelait. J’ai commencé à écrire à partir de ça. J’avais le sentiment d’être sur une chouette vague et finalement, je me suis laissé emporter. J’ai eu envie d’aller au bout de cette aventure.

Était-ce un album malgré tout “évident” à réaliser?
Tout a été facile avec cet album : l’écriture, la rencontre avec Azza (Azza Mezghani, une jeune chanteuse et compositrice qui se produit sous le nom d’AZA, – ndlr)… Tout de suite quand j’ai commencé à écrire les morceaux, j’avais en tête ces secondes voix. Je me suis un moment demandé avec qui j’allais les faire. Quand j’ai rencontré Azza, ça a été une évidence. La vie a décidé que ce serait elle qui ferait les voix et on a décidé de continuer en ce sens-là.

Vous parlez de cet album comme d’un album « qui revient à mes premiers amours », et à la fois, vous évoquez la renaissance, le renouveau. Qu’entendiez-vous faire avec Khyoot?
Je parle bien d’un renouveau de l’esprit, du ressenti de la musique et de la manière de traduire ce ressenti. Je renoue avec un ancien amour dans le sens où, à mes débuts, je faisais de la musique parce que j’adorais écouter des chansons folk. Pourtant, je me suis rapproché de la musique “de groupe”. Et en écrivant ces nouveaux morceaux, j’avais envie que ça reste très simple et qu’il y ait une certaine proximité. Cette proximité que je ressentais entre ce que je faisais et les éléments présents, ce qui m’entourait. Je voulais retranscrire cela sur disque.

Khyoot semble hyper personnel et aborder des thèmes plus intimistes. Est-ce difficile pour un artiste de passer à de la musique, comme vous l’appelez, “de groupe” à un projet plus personnel?
Je crois que c’est quelque chose qui s’apprivoise avec le temps. C’est quelque chose avec lequel on a des difficultés au début, on se cache peut-être derrière des personnages. En fait, c’est avec la poésie qu’on trouve son chemin, petit à petit. On trouve un moyen de parler de l’intime sans que ce soit impudique. On parle d’une expérience personnelle mais celle-ci sera l’histoire de tout le monde. Et ce chemin, c’est la poésie. Ça rythme ma vie, c’est très salvateur, ça permet d’échapper à beaucoup de choses et de capter la beauté dans tout ce qui passe près de soi.

Salvateur? Est-ce l’effet que vous attendez de cet album?
J’espère ouvrir un chemin et que ça ouvre des portes et des fenêtres dans les âmes des gens de la même manière que le monde m’a touché au moment de l’écriture. J’espère que cela va transparaître et que cela ouvre la même brèche que ça a ouvert en moi.


Jawhar
Khyoot
62 Records