Lubiana
Back to the roots
L’artiste belgo-camerounaise explore ses racines africaines sur Terre Rouge, un album spontané, organique et vibrant de féminité où s’invite Gaël Faye.
Des yeux qui se lovent entre le bleu et le vert, une chevelure afro, le sourire lumineux, la peau ni blanche ni noire (elle nous en reparlera), le « sang mêlé » comme le chante et l’écrit son ami Gaël Faye… Né d’une maman belge et d’un papa camerounais, Lubiana est à l’image de sa musique. Rayonnante, sans frontières, pleine de vie, de couleurs et de contrastes. Deux ans après Beloved, elle nous revient avec Terre Rouge, un album qui la rapproche un peu plus de ses racines et souligne son âme de bourlingueuse. Chez elle, le parcours artistique s’est toujours confondu avec la quête existentielle. « Dans Beloved , je parlais déjà beaucoup “d’apprendre à m’aimer”, explique-t-elle. Avec Terre Rouge, je poursuis cette recherche. Comme mon grand-père le dit : “pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient”. Et donc, apprendre à m’aimer, ça signifiait aussi pour moi une reconnexion à l’Afrique. »
Lubiana
Se posait pour moi la question
de savoir à quelle culture j’appartenais.
Enregistré en live
Terre Rouge s’est nourrit de voyages. Lubiana est retournée sur les terres de ses ancêtres, au Cameroun. Elle a aussi fait résonner sa kora au Rwanda, en Gambie, au Sénégal et au Mali où elle a capté une ultime session avec Toumani Diabaté avant sa disparition en juillet 2024. Fruit d’un long cheminement (« J’ai écrit 60 chansons pour ce disque et il m’en a fallu exactement 21 pour créer le premier titre de l’album »), Terre Rouge a pourtant été enregistré dans l’urgence, en six jours à peine, dans un studio parisien planté à Saint-Germain-des-Prés. « J’aspirais à un album plein de vie, loin du son aseptisé des productions léchées. Je voulais faire ressortir la spontanéité de la première prise, entendre le bruit des doigts glissant sur les cordes et capturer l’âme des musiciens qui jouent. »
Dominé par la kora, les sons organiques, la voix de Lubiana et sa poésie éclairée jamais loin des déclamations des griots, Terre Rouge est plus africain que Beloved. Les aspirations pop sont effacées, le message plus affirmé. On entend du bambara (la langue principale au Mali) et du bangoua que parle sa famille paternelle. Et si Lubiana chante encore en anglais, c’est le français qu’elle utilise cette fois pour exprimer ce qu’elle ressent au plus profond d’elle-même, notamment sur les autobiographiques Grand-Père, Bien-Aimée et, on y revient donc, La Blanche. « Quand j’ai grandi en Belgique, on me trouvait trop noire. Quand je retournais au Cameroun, on s’étonnait de ma peau claire et on me surnommait “la blanche”. Ces termes “noir” et “blanc” m’ont longtemps pesé. Au-delà de la connotation raciste, se posait pour moi la question de savoir à quelle culture j’appartenais. Finalement, je me rends compte que cette “différence” est un cadeau. Le fait de vivre constamment ce sentiment d’être une “étrangère”, peu importe l’endroit où je me pose, me permet d’avoir beaucoup plus de compassion et d’ouverture d’esprit. »
Ode aux femmes africaines
Initié par des amis communs, notamment Quentin Mosimann qui la suit depuis sa reprise de Bill Withers Ain’t No Sunshine dans la première saison de The Voice Belgium, sa rencontre avec l’écrivain et chanteur franco-rwandais Gaël Faye débouche sur le magnifique titre Farafina Mousso. Plus qu’un duo, Farafina Mousso (“Femmes d’Afrique” en bambara), est une ode vibrante aux Rwandaises victimes de la guerre civile et à toutes les femmes africaines. « J’avais adoré le livre de Gaël Faye, Petit Pays, et été particulièrement interpellée par sa chanson Métis dans laquelle il utilise cette notion de “sang mêlé”. Quand j’ai écrit Farafina Mousso, j’ai pensé directement à lui. Il refuse généralement ce genre de collaboration mais là, il m’a dit que mes mots avaient réveillé des souvenirs en lui. Gaël m’a invitée au Rwanda alors qu’il travaillait sur son nouveau roman Jacaranda. Nous sommes allés à la rencontre de toutes ces femmes célébrées dans la chanson pour leur faire partager ce qu’elle raconte. »
Lubiana
Terre Rouge
6&7