Edouard Van Praet
Le goût de la surprise
Parti du rock psychédélique, Edouard Van Praet envisage désormais toutes les possibilités. En français ou en anglais, sur la piste de danse ou, en transe, au milieu d’un moshpit, le chanteur bruxellois se la joue tout-terrain. À l’image de Mascarades, un premier album conçu tel un jeu de rôle. Moderne et décalé.
Cheveux au vent, regard perçant, Edouard Van Praet observe le monde aux abords d’une terrasse bruxelloise. Assis là, un soft à la main, le musicien exhibe un t-shirt à l’effigie de la chanteuse ELOI. « Elle a une chanson qui s’appelle On fait du rock et, c’est marrant, parce que ce n’est pas vraiment du rock, commente-t-il. Ce qui compte, ce n’est pas tant le style musical, mais plutôt le feeling, l’état d’esprit », affirme-t-il à l’heure d’inaugurer Mascarades, son premier album studio.
Avant de sortir ce disque, Edouard Van Praet a développé un sens aigu de la polyvalence. « À quatre ans, j’ai pris des cours de piano classique. Je m’en suis détourné après une dizaine d’années pour m’essayer à la guitare, mais sans conviction… » Il se met alors au rap. « J’écrivais des paroles en anglais, surtout du charabia, retrace le Belgo-Canadien. Mon père a longtemps vécu à Toronto. À la maison, il me parlait en anglais. Tandis que ma mère privilégiait le français. » Loin d’être méthodique, l’apprentissage musical du garçon passe ensuite par la production. « Comme j’écoutais beaucoup de dubstep, j’ai entrepris de produire des sons à l’aide du logiciel FL Studio. Là encore, rien de bien concluant… »
Edouard Van Praet
Mon album ressemble un peu à ma playlist Spotify : ça passe du coq-à-l’âne.
C’est finalement en poussant les “portes de la perception” qu’il entrevoit son avenir. « J’ai découvert The Doors grâce à mon meilleur pote. Le rock psychédélique des années 1970 nous a donné l’envie de former un groupe. À l’époque, on puisait aussi des idées chez The Strokes, Arctic Monkeys, The Libertines et tous les projets annexes de Peter Doherty, comme Babyshambles. À partir de là, j’ai fait de la musique tous les jours. »
À l’été 2021, Edouard Van Praet pose la première pierre de sa carrière solo en rassemblant cinq morceaux de nature folk-psyché sous la pochette d’un EP baptisé Doors. « C’était bien sûr une référence au groupe de Jim Morrison, dit-il. Mais aussi un clin d’œil à la “porte de la vérité” que l’on retrouve dans le dessin animé Fullmetal Alchemist. Cette porte menait vers une autre dimension. Doors faisait surtout allusion à ma propre situation. Car depuis des années, j’avais l’impression d’être dans une salle d’attente. Et là, enfin, une porte s’ouvrait, me donnant accès à la scène et au métier. Depuis, j’ai toujours cherché à ouvrir d’autres portes… » En 2022, avec la sortie du EP Cycles, Edouard Van Praet accède effectivement à de nouvelles formes d’expression, touchant indifféremment à la pop, au jazz, au glam rock ou à la chanson française. Aujourd’hui, le chanteur diversifie encore sa proposition, poussant volontiers le bouchon. Mascarades s’ouvre ainsi en mode crooner, avec un Do you ever walk alone? qui doit autant à Tom Waits qu’à Frank Sinatra. La suite gambade dans les champs électroniques d’Underworld (Echoes) ou s’enjaille sur une chanson française propulsée par une rythmique hardcore, limite gabber (L’allumé). « J’aime les collisions frontales, le choc des extrêmes, explique l’artiste. Mon album ressemble un peu à ma playlist Spotify : ça passe du coq-à-l’âne. Je peux enchaîner une musique de film avec du rnb, du metal ou de la techno. Alors, évidemment, on ne sait pas toujours sur quel pied danser. Mais c’est voulu: je cherche à prendre les gens par surprise. »
Surprenant, parfois déroutant, Mascarades est le théâtre de plusieurs intrigues. « Mes morceaux adoptent le point de vue de différents personnages, tous fictifs… Mais le sont-ils vraiment ? Tout l’album interroge la relation entre le vrai et le faux. Qui se cache réellement derrière le masque ? » Cette question se pose à plusieurs reprises, notamment à l’écoute de la chanson Sandimamamorane333. « Je ne suis pas fier de ce texte, confie Edouard Van Praet. Il est malaisant. J’utilise des mots qui m’offusquent. Mais je suis passé à l’acte et je l’assume. L’idée, c’est de confronter le public à une situation inconfortable mais dans un environnement sécurisé et bienveillant. À travers ma musique, j’explore des thèmes, parfois extrêmes, en faisant en sorte que tout le monde puisse les écouter. D’ailleurs, les gens qui viennent me voir en concert n’ont pas un profil spécifique. Ce sont des personnes de tous les âges, venus de tous les horizons. C’est pour cette ouverture d’esprit que je fais de la musique. »
Edouard Van Praet
Mascarades
[PIAS]