Stop! Il faut qu’on parle des violences sexistes et sexuelles dans le secteur musical
Les violences sexistes et sexuelles représentent un problème majeur dans tous les pans de nos sociétés, et l’industrie musicale n’échappe pas à cette réalité. Allant du viol à l’atteinte à l’intégrité sexuelle en passant par le harcèlement et la discrimination fondée sur le genre, ces violences font partie intégrante de nos vies, et se comptent à la pelle. Grâce à l’émergence du mouvement #MeToo – et à une flambée d’actions féministes et militantes – de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer ces violences, soulignant l’importance de créer un environnement sûr et respectueux au sein des milieux culturels. Mais où en sommes-nous aujourd’hui ? Comment la pensée collective a-t-elle évolué ? Quelles sont les raisons qui expliquent l’omerta qui enrobe, encore et toujours, les violences sexistes et sexuelles malgré les diverses tentatives de changement et prises de conscience ? Quelles sont les initiatives mises en place pour éradiquer la culture du viol, mettre fin au tabou, accueillir la parole des victimes et faire en sorte que les violences sexistes et sexuelles cessent, enfin, au sein du secteur musical ? Réflexions et pistes d’évolution.
Avertissement : certaines des thématiques abordées dans cet article pourraient (re)déclencher des traumatismes.
Commençons par le début : les violences sexistes et sexuelles, c’est quoi ?
Définir les violences sexistes et sexuelles est une étape essentielle pour les identifier et les dénoncer. C’est notamment l’avis de Laurane Wattecamps, sexologue de formation et autrice du livre Déconstruire le cul : pour une sexualité libre, choisie et non normée (2024, éditions Le Courrier du Livre) : « Rendre visible, c’est le plus important. Il faut montrer ce qu’est la violence, la définir, et arrêter avec cet imaginaire collectif faussé », souligne-t-elle lors de notre entretien.
Inès Ayyadi – Plan SACHA
On grandit dans un continuum de violences
qui banalise énormément l’objectification de nos corps.
Contrairement aux idées préconçues, les violences sexistes incorporent une multitude de comportements, d’agressions et d’attitudes qui expriment une domination ou une discrimination à l’égard des personnes en raison de leur sexe ou de leur genre. Cela inclut le harcèlement – comme les commentaires, les blagues et les remarques sexistes –, mais aussi les discriminations et inégalités de traitement, ainsi que le "stéréotypage". Quant à elles, les violences sexuelles font référence à tout acte sexuel imposé à une personne sans son consentement, y compris le viol et l’atteinte à l’intégrité sexuelle. Selon l’article 417/11 du Code pénal, le viol est défini comme « Tout acte qui consiste en ou se compose d’une pénétration sexuelle de quelque nature et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne ou à l’aide d’une personne qui n’y consent pas ». L’organisme Sos Viol va un cran plus loin dans la définition et précise que « Le viol requiert deux éléments constitutifs : une pénétration sexuelle – que ce soit avec le pénis, les doigts ou encore un objet – et l’absence de consentement de la victime ».
Ce mot, consentement, est terriblement important. Dans son livre, Laurane le définit comme « une permission, un accord, une adhésion mutuelle ». Lors de notre conversation, elle précise : « C’est valable dans tous les milieux dans lesquels il y a un rapport de force, de pouvoir ou d’autorité : un consentement éclairé, c’est quelqu’un qui pose une question et quelqu’un qui y répond. On doit poser une question claire et pouvoir répondre un oui franc à cette question. Ça veut dire qu’il faut que la question soit posée, ce qui est rarement le cas, dans les moments d’intimité et dans les violences ».
La normalisation des violences sexistes et sexuelles dans le milieu musical
Dans le milieu musical, les violences sexistes et sexuelles se manifestent souvent, aggravées par la culture du viol et les inégalités de pouvoir qui règnent au sein de l’industrie. Les artistes – qu’iels soient établi·es ou émergent·es –, mais aussi les élèves de conservatoires et les professionnel·les du secteur peuvent faire face à des situations où les violences sexistes et sexuelles deviennent monnaie courante, entravant leur liberté d’expression et leur développement personnel et professionnel.
Ces violences, l’artiste Aurélie Muller (Melon Galia, The Tellers, Blondy Brownie, River Into Lake) les connaît par cœur. Il y a une quinzaine d’années, la DJ et multi-instrumentiste bruxelloise rejoignait le groupe pop-rock The Tellers. Malgré le fait qu’elle entretenait de très bonnes relations avec les différents membres du groupe, la situation était parfois très compliquée à gérer : « Pour un des clips, on jouait en live et je devais être habillée avec une robe de mariée. J’en n’avais pas du tout envie et finalement, je l’ai fait. J’étais tellement mal, j’avais l’impression d’être une poupée. Mais de nouveau, on n’allait pas très loin dans les discussions: on vivait avec ses ressentis, en se disant “allez, c’est reparti” », confesse-t-elle, avant d’ajouter : « Quand on composait de la musique, que je proposais quelque chose et que quelqu’un éludait mon idée, on ne la tentait pas. Là où, du côté des hommes, quand ils proposaient un truc, on essayait toujours. On donnait une chance à leurs idées ».
Laurane Wattecamps – sexologue
Qu’importe la façon dont les choses se sont passées,
la victime ressent toujours de la culpabilité.
L’objectification, la discrimination mais aussi le harcèlement ont fait partie intégrante du parcours d’Aurélie. Lors de notre conversation, elle me raconte un événement pour le moins traumatisant : « Avec The Tellers, on est allés au Festival SXSW au Texas. On était programmés par [PIAS] et l’un des patrons du label – qui était complètement bourré, mais ça à la limite, on s’en fout – s’est mis à dire très haut et très fort que j’étais bonne. Ça a totalement foutu le bordel: moi, je ne savais pas quoi dire, les mecs du groupe rigolaient un peu gênés, et mon mec – qui était l’ingénieur du son – a pété un plomb en me demandant ce que j’avais fait pour qu’il me dise ça. Le gars du label s’est excusé des années plus tard mais ça n’empêche que c’était super humiliant (…) Mon petit ami de l’époque a participé à toute l’horreur, parce que d’un coup, c’était moi qui avais tout provoqué. Alors que je n’avais rien fait. Je culpabilisais à fond et je me disais “comment réagir maintenant pour que mon groupe n’en pâtisse pas ?” (…) À l’époque, ça me révoltait mais ça me mettait dans une forme de culpabilité. Celle d’avoir peut-être été trop sympa, trop aguicheuse, trop moi-même ».
Les violences sexistes vécues par Aurélie – et par la plupart des femmes et des personnes issues de minorités de genre – sont des produits de la culture du viol: l’ensemble des mécanismes qui minimisent, banalisent, excusent, justifient et parfois même valorisent les violences sexistes et sexuelles. « On grandit dans un continuum de violences qui banalise énormément l’objectification de nos corps, qui nous contraint, dans notre vie intime et professionnelle, à exercer une sexualité qui n’est pas forcément consentie. Quand ça s’applique à la sphère professionnelle, les mêmes dynamiques entrent en jeu », explique Inès Ayyadi, formatrice au sein de Plan SACHA, l’un des organismes de lutte contre les violences sexistes et sexuelles en milieu festif en Belgique.
L’omerta et l’obstacle à la parole, deux conséquences de la culture du viol
Depuis l’avènement du mouvement #MeToo, on entend souvent l’expression selon laquelle « la parole des victimes se libère ». Des voix se sont en effet levées, des évolutions sont en chemin, mais la parole des femmes et des minorités de genre ayant subi des violences sexistes et sexuelles est-elle entendue et accueillie à sa juste valeur ? Ne nous voilons pas la face : le tabou et l’omerta autour des violences sexistes et sexuelles persiste dans les milieux culturels et partout ailleurs.
Inès est formelle : les conversations autour des violences sexistes et sexuelles n’ont pas lieu pour la simple raison qu’elles ne sont pas confortables. « Je pense qu’il y a un très grand inconfort à remettre en question cette culture du viol pour les personnes qui en bénéficient. Et même pour les personnes dominées : c’est très violent de se rendre compte de sa propre domination et de sa propre aliénation. C’est donc très coûteux de se poser ces questions-là et de voir les relations humaines comme des relations de pouvoir. On n’a pas forcément envie de visibiliser les relations de pouvoir, pour les dominants pour des raisons évidentes qui sont qu’ils en bénéficient, et pour les dominés parce que visibiliser la violence, c’est en quelque sorte insoutenable, explique-t-elle, avant d’ajouter : C’est souvent plus facile de dénoncer les violences commises par quelqu’un qui est par ailleurs dominé socialement que quelqu’un qui capitalise tous les privilèges sociaux possibles et face auquel on risque de perdre si on s’attaque. Il y a des risques matériels très grands à porter une accusation publique, on a beaucoup à perdre. »
Selon Laurane, cette omerta est notamment liée à la culpabilisation des victimes : « Les violences, quelles que soient leur type, déconnectent les victimes de leur puissance. Ça crée un mécanisme dans le corps qui fait que tu perds ton estime de toi. (…) Ce qui va bloquer les victimes dans la reconstruction et la reconnexion à cette puissance, c’est la culpabilité. Qu’importe la façon dont les choses se sont passées, la victime ressent toujours de la culpabilité », ajoute-t-elle. Cette culpabilisation entraîne souvent un sentiment de honte et représente un obstacle terrible à la prise de parole : « Même quand tu subis en tant que victime, tu finis par te remettre en question à cause de cette culpabilité qui te déconnecte encore plus de ta puissance. Il y a beaucoup trop de risques à parler car ton manque d’estime de toi te fait croire que c’est quand même un peu de ta faute. Alors que ce n’est jamais le cas, évidemment », ajoute la sexologue. Elle ajoute :
« Prendre la parole, ce n’est pas quelque chose qui est valorisé. L’impact de parler demande d’affronter le regard des autres qui n’est souvent pas bienveillant et, potentiellement, de faire face à une justice qui ne va pas t’entendre puisqu’on sait, vu les statistiques, que les plaintes sont majoritairement classées sans suite ».
Lyne Bnc – experte
En tant qu’employeur·euse, tu as une responsabilité légale envers tes employé·es.
Parler des violences sexistes et sexuelles, ce n’est pas un délire de féministes.
Sarah Bouhatous, coordinatrice de Scivias – la plateforme qui agit pour plus d’inclusivité dans le secteur musical en Fédération Wallonie-Bruxelles – apporte un angle nouveau à la discussion : selon elle, la parole des victimes se libère mais uniquement dans un entre-soi. « Je crois que le fait que la parole soit si mal accueillie de manière générale une fois qu’elle est rendue publique fait qu’elle continue à se libérer mais dans un entre-soi uniquement. (…) La chose sur laquelle on pourrait vraiment travailler, c’est cet accueil de la parole », souligne-t-elle.
Durant notre conversation, Sarah met le doigt sur un élément-clé de la conservation de l’omerta dans notre industrie : l’aspect interpersonnel du secteur musical. « Je pense que l’omerta est notamment liée à cette importance incroyable du réseau dans notre secteur. Comment dénoncer si on sait qu’on met en péril notre vie professionnelle et personnelle, comment dénoncer si on sait qu’à la fin de la semaine on doit se rendre à un drink pro et rencontrer notre agresseur ? C’est effectivement un secteur dans lequel le réseau a une place très forte et qui fait qu’il est difficile de dénoncer ce dont on est victime ou témoin. D’autant qu’on a quand même assez peu de cas de personnes qui sont soutenues quand elles parlent », affirme-t-elle.
Initiatives, outils, ressources et pistes de solutions
Ces constats ne sont pas isolés : ces dernières années, de nombreuses initiatives visant à désamorcer la culture du viol au profit de la culture du consentement ont vu le jour, notamment au sein du secteur musical. Le développement de structures de médiation, de sensibilisation, de formation et d’accompagnement telles que Plan SACHA, Brussels by Night, À Nous La Nuit ou encore Osmose marque un tournant majeur dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le milieu festif et musical, et met enfin en lumière l’importance de la situation.
Conscientiser la violence
La violence est là, et ce n’est pas rendre service à la société que de ne pas la voir. Il est essentiel de la conscientiser pour la dénoncer et pouvoir y faire face. Selon Laurane, il faut également transformer l’imaginaire collectif, qui part du postulat que la violence ne peut être que physique. « Je pense que ça participe au fait qu’on n’en parle pas assez : si on s’imagine que la violence est forcément physique, on ne va pas se rendre compte qu’une violence psychologique reste une violence », souligne la sexologue. Elle poursuit : « Un regard, une parole, une autorité, même l’aura d’une personne peut te mettre dans une position d’emprise. C’est là qu’il y a vraiment des gros problèmes dans le traitement des violences sexistes et sexuelles dans les médias, c’est qu’on ne parle pas assez des mécanismes psychologiques d’emprise qu’il peut y voir dans les relations humaines. Du coup, il y a énormément de victim shaming ».
Se former et s’équiper
Né au festival Esperanzah en 2018, le Plan SACHA est un plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles en milieu festif. L’ASBL travaille sur trois points : la formation des équipes organisatrices, la sensibilisation du public à la culture du consentement et la prise en charge psycho-sociale des témoins ou victimes de violences sexistes et sexuelles. « Lorsqu’on forme les équipes organisatrices, on veut vraiment qu’il y ait autant que possible de personnes de différents postes : la sécurité, le bar, l’accueil, mais aussi la programmation, la com, etc. », explique Inès. L’idée ? Faire en sorte que tous les pans de l’événement soient représentés pour réfléchir aux questions de sexisme de façon globale et parvenir à construire un protocole de détection et de prise en charge des violences.
En 2022, l’équipe du BRASS – Centre culturel de Forest a fait appel au Plan SACHA afin de se former à la création d’une charte des protocoles à adopter en cas de violences sexistes et sexuelles. Un processus de longue haleine, qui a porté ses fruits : « Nous avons été confrontés à deux suspicions par rapport à des artistes que nous pouvions recevoir en résidence ou en programmation. Ça nous a beaucoup interpellés au sein de l’équipe, parce qu’on n’avait pas de protocole clair pour aborder ces problématiques », raconte Frédéric Fournes, directeur du BRASS. Après une journée de formation avec le Plan SACHA, Frédéric et les membres de son équipe se sont lancé·es dans un processus d’intelligence collective avec l’organisme Collectiv-a afin de rédiger leur propre charte protocolaire. « Ça s’est passé en plusieurs phases : il y a d’abord eu une phase collective, avec une session de travail tous et toutes ensemble, et puis on a mis en place un groupe de rédaction de la charte. Une partie de l’équipe a décidé de faire des propositions de rédaction du protocole des différents niveaux de notre charte, puis tout a été validé, en plusieurs étapes et de manière collective, sous le principe du consensus. » Étant donné le caractère intersectionnel de cette démarche, la notion de collectivité est particulièrement intéressante : « C’est un processus qui peut être long et qui, a priori, doit être long. S’il implique l’ensemble des membres de l’équipe, ça demande du temps : le temps de la concertation, de s’entendre sur les notions, qu’elles soient bien partagées par toutes et tous ».
Quels sont les bienfaits de la mise en place d’un tel protocole ? « L’avantage de la charte, c’est d’avoir un socle de valeurs pour ton équipe interne et pour ton public sur lequel t’appuyer, en cas de problème », répond Inès. « Ça permet aussi de désindividualiser le rapport avec le public : si je vais prévenir quelqu’un que son comportement est problématique, je vais pouvoir lui dire qu’on a une charte, qui dit que ce genre de comportements n’est pas accepté. C’est littéralement toi qui contrevient à la charte établie par l’établissement et au bon déroulement de la soirée. Donc, ça donne une échelle supérieure de légitimité pour ne pas tolérer les comportements qui pourraient être sexistes, transphobes, lesbophobes, etc. Et ça permet d’être une vitrine pour le public de ce que l’événement soutient, et les comportements qui ne sont juste plus autorisés en soirée. »
Sarah soulève un problème intéressant : « Ces chartes éthiques, elles sont hyper intéressantes, elles proposent un cadre, elles sont nécessaires, mais si de façon pratique on ne sait pas les mettre en œuvre, c’est problématique. Souvent, les équipes ont la possibilité d’écrire des chartes éthiques mais les mettre en œuvre, c’est un peu plus compliqué. Ça demande beaucoup de moyens humains et financiers ».
Lutter ensemble : l’importance de la collectivité
Durant les divers entretiens menés, la notion d’impact collectif a souvent fait surface : selon mes interlocuteur·ices, l’action collective tient un rôle déterminant dans l’éradication de la culture du viol et dans la sensibilisation envers la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. C’est notamment l’avis d’Inès : « S’ils sont socialement sanctionnés, certains comportements n’auront pas lieu. Si je dis quelque chose et que le groupe autour de moi me scandalise en me disant que mes propos ne sont pas OK, je le sais, je l’anticipe et je ne le ferai plus. Il faut vraiment changer l’arc de comportements qui sont acceptés en soirée. Le harcèlement, les blagues hyper sexualisantes, ce n’est plus toléré. Et ça, il n’y a que le groupe qui peut le faire advenir ».
Créer des espaces de discussion, entendre les victimes et accueillir leur parole
Selon des données récoltées par Femmes de Droit, 2% à 8% des accusations de viol reportées à la police seraient fausses. Ces chiffres prouvent que dans la majeure partie des cas, les victimes ne mentent pas. Accueillir leur parole en favorisant l’écoute active est un devoir que nous devons toutes et tous entreprendre.
Notamment transmis par Le Plan SACHA lors de ses formations, l’écoute active est un outil de communication basé sur l’empathie, qui consiste à aider les personnes à reformuler leur parole tout en les laissant s’exprimer à leur rythme. « En écoute active, on essaye de ne pas tirer les vers du nez de la victime. (…) Non, on la laisse venir à son rythme : si elle dit “il s’est passé un truc pas cool dans la tente hier soir”, on va lui demander de nous expliquer ce truc pas cool », explique Inès. « Le but, c’est que la personne puisse verbaliser ce qu’elle vient de vivre et puisse, en mettant des mots dessus, un peu mieux intégrer ce qu’il s’est passé. Ça va réduire le potentiel traumatique de l’événement : le fait d’en parler avec quelqu’un, de désamorcer ce qu’il s’est passé, de voir qu’on est écouté·e, soutenu·e, ça permet de rendre l’événement moins traumatique que si on est seul·e ou qu’on en parle à quelqu’un qui ne nous écoute pas ou qui nie, » ajoute-t-elle.
Sensibiliser et responsabiliser les employeur·euses
Quand il s’agit de violences sexistes et sexuelles, les premières personnes à sensibiliser sont celles qui détiennent le pouvoir d’agir. Cependant, ces personnes n’ont parfois rien à gagner à se former. « J’ai souvent l’impression que si des faits de violence sont rapportés auprès d’une équipe de direction au sein d’une structure, il y a toujours ce réflexe de dire “Oui mais on ne sait pas, oui mais avec moi il est gentil”. Ça, c’est nocif. C’est nocif à la libération de la parole et ça contrevient totalement à la responsabilité de l’employeur de prévenir, d’agir et de respecter le protocole qui est censé être mis en place : mener une enquête qui doit être impartiale, entendre la ou les plaignantes, relever les faits et des pièces, s’entretenir avec les différentes parties. C’est une obligation », explique Sarah. Elle poursuit : « Il existe des guides, il existe des protocoles. Mais l’enjeu, c’est que ces protocoles puissent être connus de tous et de toutes. Et qu’on puisse diffuser ces guides auprès des personnes concernées, c’est-à-dire des directions. Mais le problème est toujours le même, c’est qu’on a toujours du mal à conscientiser les personnes qui sont éloignées de ces problématiques ou même carrément opposées à ces actions ». Afin de responsabiliser les équipes de direction, Sarah et l’équipe de Scivias aimeraient mettre en place des formations à destination des directeur·ices de structures. « La question, c’est de savoir qui accueille cette parole, qui écoute, qui agit une fois que l’information a été communiquée ? C’est pour ça que ces formations, on aimerait pouvoir les proposer principalement aux directions ou aux personnes qui pourraient agir directement au sein des équipes ».
Lyne Bnc, experte et consultante notamment pour le Plan SACHA, est du même avis : « En tant qu’employeur·euse, tu as une responsabilité légale envers tes employé·es. Parler des violences sexistes et sexuelles, ce n’est pas un délire de féministes ».
Des initiatives, des outils et des espaces de lutte contre les violences sexistes et sexuelles existent au sein du milieu musical. Et c’est une excellente chose. Mais pour les mettre en œuvre, il faut des ressources humaines et financières qui restent malheureusement des denrées rares dans notre secteur. Selon Lyne, il est primordial d’avoir la volonté de faire mieux et de se poser les bonnes questions : quels sont nos leviers d’action ? Avons-nous la possibilité de mettre en place des stratégies spécifiques ? Quelles sont nos ressources ? Au boulot !