Allez (à) l’OM !
Plantée en bord de Meuse, à un jet de ballon du stade de Sclessin, la nouvelle salle de concert liégeoise a été inaugurée début octobre. « Nouvelle » ? Pas exactement : les lieux avaient déjà été ouverts au public, et même pendant des décennies, avant d’être laissés à l’abandon ou presque. Mais ça, c’était… avant !
Le bâtiment fut en effet “la” maison des fêtes sur le territoire sidérurgique d’Ougrée. Inauguré en 1948 à l’initiative des entreprises Cockerill et construit sur les plans de l’architecte liégeois Georges Dedoyard (à qui l’on doit également les Bains de la Sauvenière et le pont-barrage de l’île Monsin), il a ainsi accueilli remises de décorations du travail, réceptions pour des départs en retraite et conseils d’administration. Puis, quand il a été ouvert plus largement, communions, spectacles et distributions de prix de fin d’année scolaire, soirées dansantes, pièces de théâtre et expositions… Avant d’être laissé à l’abandon. Squatté, pillé et incendié, l’OM (pour “Ougrée Marihaye”) fit alors aussi la joie des pratiquants de l’urbex qui connaissaient les lieux comme étant le “Théâtre Jeusette” et servit même de décor pour un clip de Stromae (Quand c’est ?).
En 2010, ce témoin d’un temps où cette industrie liégeoise brillait de mille feux est racheté à Arcelor-Mittal par la Ville de Seraing. Un architecte est désigné en 2015. Et l’OM d’entamer alors une deuxième vie… « Lorsque le gros oeuvre a été achevé, raconte Valérie Depaye, directrice d’Eriges, la régie communale autonome de Seraing chargée de la mise en oeuvre du Master Plan (la requalification et la rénovation menées sur les 800 hectares d’industrie lourde, commerces, bureaux et habitat de la vallée industrielle), nous avons lancé une invitation aux anciens du secteur sidérurgique. On a pu montrer l’OM dans son habit presque fini à une centaine de personnes et recueillir ainsi des témoignages, des anecdotes et des photos d’époque. Un petit couple marié depuis 60 ans m’a dit : “Eh bien nous, c’est ici qu’on s’est embrassés pour la première fois !” ». On imagine que, depuis le 4 octobre dernier, soir de l’inauguration officielle des lieux et du premier concert d’OOOTOKO, le nouveau projet de Damien Chierici (Dan San, Kowari – voir p.20), d’autres bisous auront été échangés !
Mais pourquoi une salle de concerts, au fait ? « L’idée de lieux structurants dans les quartiers comme point de départ d’une requalification a toujours été la démarche du Master Plan, reprend Valérie Depaye. La Ville a imaginé un programme en lien avec la culture. On a fini en se disant : “Oui, c’était un théâtre, mais est-ce que ça n’aurait pas du sens que ce soit une salle de concert ?”. Une étude dans le secteur a confirmé qu’une telle jauge pour de la musique amplifiée avait une place à prendre dans un périmètre eurégional… » Un appel d’offre finit par être lancé… Et ça tombe bien ! « Ça faisait un bon moment que nous cherchions un lieu de diffusion de cette taille-là en région liégeoise pour venir en complément de la programmation au Reflektor, raconte Fabrice Lamproye pour Festiv@liège. On a utilisé la caserne Fonck pendant des années, mais elle servait souvent pour du théâtre, était occupée
par plusieurs opérateurs, il était donc difficile d’avoir là-bas une programmation régulière. Et donc nous avons répondu à cet appel d’offres… »
C’est un début
Quelques péripéties plus tard, entre pandémie et hausse du coût des matières premières, l’OM a retrouvé son cachet. Fabrice Lamproye se réjouit : « Les choix architecturaux et esthétiques ont donné une belle rénovation, dans le respect du bâtiment historique ». Mais tout en tenant compte de l’activité à laquelle il est désormais destiné ! « Là se situait le challenge, reprend Valérie Depaye. On sent tout le bâtiment tel qu’il était, avec la coupole de verre au-dessus des escaliers, les murs en briques de verre dans la salle, mais il a fallu l’équiper parce qu’il n’était plus aux normes, que ce soit de sécurité ou acoustiques. Le plancher de la scène était incliné, puisque c’était un petit théâtre, et puis à l’époque, on fonctionnait aussi dans un système de chauffage urbain avec les gaz de cokerie… »
Dans le hall d’entrée, au-dessus des portes, un panneau façon cinéma américain signale les concerts à venir : dEUS, Girls In Hawaii, Hyphen Hyphen, Daan ou encore Charlotte Cardin passeront par ici. « La jauge de 1.700 personnes est fixe pour la salle, précise Fabrice Lamproye. Et c’est 2.000 pour tout le bâtiment. Pour certains événements, en musique électronique notamment, on proposera certainement deux ambiances dans deux salles différentes. » Face à la grande salle s’ouvre en effet un deuxième espace, un vaste espace bar celui-là, et puis au bas d’une volée d’escaliers, l’espace resto. « L’idée n’est pas de faire des concerts assis : ce type de salle existe déjà à Liège, avec le Forum et le Trocadéro. »
Avec l’OM aux côtés du Reflektor et des Ardentes, chez Festiv@liège, on occupe désormais quasiment tout le spectre des espaces dédiés à la musique. Et une toute petite salle, ce serait utile ? « Non, répond évidemment Fabrice Lamproye ! Les tout petits concerts, on peut les organiser soit dans la partie bar du Reflektor, et ici, on va pouvoir aussi avoir des concerts de type cabaret, jazz ou intimiste dans la partie restaurant. Pour le moment, on va d’abord apprendre à vivre avec notre salle. Voir comment elle se comporte en fonction des différents styles musicaux, que ce soit du rap, du rock, du metal ou de la pop francophone et anglophone, à destination d’un public qui a dû depuis longtemps se déplacer vers Bruxelles, Anvers, l’Allemagne ou même le Luxembourg. C’est donc d’abord un public de proximité qu’on vise. »
L’OM et plus largement la musique se retrouvent ainsi au coeur du redéploiement de tout un “quartier”. « Il change déjà beaucoup, commente Valérie Depaye. Depuis 2018, on a de nouveau une gare SNCB et deux trains par heure entre Liège et Namur. À la fin de cette année, un ancien bâtiment industriel accueillera un parking de délestage de 600 places voitures et 120 places vélos, qui servira donc aussi à l’OM… » Viendront ensuite 300 logements étudiants et jeunes adultes de même qu’un parc public : « C’est le début d’une transmutation dans le quartier ! ». Où la circulation des habitants (ils sont 3.511 à ce jour, soit 1.448 ménages) sera facilitée par un jeu de traversée cyclo-piétonne et de passerelle.