ECHT!
Non, peut-être!
Pour faire court, le groupe bruxellois dont le deuxième album, Sink along, a vu le jour en mai dernier, c’est, en anglais, un “electro-organic band”. En français, on dit : “les concepts de la musique électronique joués avec de vrais instruments”. Réussite musicale autant qu’humaine, ECHT!, après un été chargé en concerts, c’est aussi une envie : évoluer et entretenir la flamme qui anime les quatre musiciens.
Si tous ont fait le Conservatoire, et certains des quatre garçons s’y sont d’ailleurs rencontrés, ECHT ! a vraiment pris vie au fil des jam sessions organisées à l’époque – nous sommes en 2016 – au Bonnefooi, à un jet de pierre de l’Ancienne Belgique. Federico Pecoraro (basse) est d’origine italienne, Dorian Dumont (claviers) vient de France et Martin Méreau (batterie) ainsi que Florent Jeunieaux (guitare) sont issus de la région montoise. Moyenne d’âge aujourd’hui : 30 ans. Tous sont désormais basés à Bruxelles. « On s’est avant tout réunis pour faire des sessions, nous explique ce dernier. C’était expérimental, comme une sorte de laboratoire. “Tiens, moi j’écoute de la musique électronique !”. “Moi aussi j’écoute du rap !”. Nous jouions de tout, sauf ces musiques-là… Nous avons essayé, avec comme idée d’arriver à sonner comme ces musiques hyper produites. Au Bonnefooi, ça a duré un an, un an et demi. Les gens nous disaient qu’ils aimaient bien, que c’était incroyable. Alors nous avons continué, et puis trouvé un nom… »
ECHT!
Quand tu fais de la musique,
tu as envie de la partager avec le plus de monde
et le plus loin possible.
Que souligneriez-vous s’il fallait déjà tirer un petit bilan de cette année passablement chargée côté concerts?
Federico Pecoraro : On kiffe ! On a fait des chouettes dates. L’année dernière, on était juste passé par Francfort et là, on a joué deux fois de suite en Allemagne où, franchement, ça s’est bien passé même si personne ne nous connaît là-bas. Et donc, on a hâte d’y retourner. Sinon… beaucoup de route, c’est sûr ! Mais on passe beaucoup de temps ensemble, c’est chouette, et puis c’est aussi cool de pouvoir jouer notre musique dans de nouveaux endroits.
Florent Jeunieaux : Après, on n’est pas encore dans des conditions où on peut choisir les meilleurs transports. Par exemple en Roumanie, on a fini de jouer à 1h du mat’ et à 2h, on prenait le taxi pour prendre l’avion. Donc, c’est une nuit blanche et quand tu reviens, tu es tout déphasé !
FP : Mais on le fait ! Il y a l’adrénaline et l’énergie, on amène notre musique dans des pays à 1.000 kilomètres d’ici et c’est juste… ça me donne la chair de poule d’y penser !
FJ : On ne va pas se mentir, c’est déjà super agréable de sentir avec ce qui nous arrive que “le travail paie”. On le fait d’abord par passion, bien sûr, mais ça fait vraiment chaud au cœur de voir plusieurs années après que tout ça a servi à quelque chose. Visiblement, les gens entendent ce qui ressort du travail un peu introspectif qu’on a mené. Ensuite, quand tu fais de la musique, tu as envie de la partager avec le plus de monde et le plus loin possible. Alors c’est toujours agréable d’arriver dans un nouveau pays et de voir comment les gens la reçoivent et la comprennent, un peu ou beaucoup, avec leur propre background. Et en général, les retours sont très positifs…
Vous diriez qu’une musique instrumentale, c’est plus facile à “exporter” ?
FP : Il y a de ça. On nous a demandé pourquoi on jouait de la musique instrumentale, ce genre de choses, mais ça arrive de moins en moins souvent.
FJ : C’est une question qui est souvent revenue au début du projet. Peut-être parce que c’était nos débuts et que les gens pensaient que ça pouvait encore évoluer. Aujourd’hui, il y a une véritable vague de musique instrumentale, ce qui fait que le public est éventuellement un peu plus habitué. Quand on a commencé, on avait un peu l’impression d’être des ovnis avec nos propositions. Mais finalement, j’ai l’impression qu’on ne l’est pas tant que ça : les gens font les liens entre la musique électronique et la musique instrumentale. Ça fait sens aujourd’hui.
FP : Ce qu’on veut faire, c’est une musique instrumentale qui pousse à danser. C’est notre propos, c’est dans ce sens-là qu’on travaille… et aussi que ça doit être mémorable.
FJ : C’est un double pari car le fait qu’il n’y ait pas de chanteur ou de chanteuse induit que les gens identifient un peu moins facilement le projet, le propos. Mais d’un autre côté, ça permet peut-être aussi de passer les barrières de la langue. La langue, ça peut être une mode, qui passe, parfois ça peut te booster, parfois ça peut te bloquer.
ECHT!
Même les gens qui n’ont pas les codes de la musique électronique
peuvent nous apprécier.
“Les idées et les concepts de la musique électronique joués avec de vrais instruments” : pour décrire ECHT!, ça vous va ?
FJ : C’est vraiment l’idée du projet. En tout cas, c’est comme ça qu’on l’aborde pour trouver nos idées. Les gens décodent très bien ce concept en concert… mais j’ai parfois l’impression qu’en fait, on s’en fout de cette idée-là ! Alors oui, c’est un peu notre manière d’aborder le truc mais même des gens qui n’ont pas les codes de la musique électronique peuvent apprécier, comme s’ils recevaient du rock ou autre. L’énergie se suffit à elle-même et elle suffit pour comprendre la musique. Après, les gens qui décodent les références, le chemin qu’il y a dans notre processus, l’apprécient d’une manière différente. Mais je ne crois pas que ce soit obligatoire.
Le projet a indéniablement pris de l’ampleur : vous ressentez une attente, aujourd’hui ? De la pression ?
FP : Je dirais plutôt qu’il y a une fanbase. Quand on monte sur scène et qu’on voit des gens avec des t-shirts ou des casquettes ECHT !, ça arrive, ou qu’on nous dit être déjà venu à nos concerts, avoir acheté le disque, ça nous fait méga plaisir. Après, la pression, je pense qu’on se la met déjà entre nous quatre. On a quand même des standards élevés, on veut toujours donner le maximum, musicalement, pour que ça nous emmène à chaque fois un peu plus loin.
FJ : Globalement, on sent qu’il y a des gens derrière nous, une énergie qui nous pousse. Même à un niveau institutionnel, je dirais : Wallonie-Bruxelles Musiques et autres sont assez fiers de nous mettre en avant, nous aident à nous exporter, avec des subsides… À Bruxelles, même s’il n’y a pas que nous, on sent qu’on représente un peu cette scène-là dans d’autres pays. Pour moi, la pression, c’est plutôt quand on fait de plus gros concerts, style l’AB, ou pour la sortie de l’album. On se dit qu’il faut régaler les gens ! Mais c’est positif de ressentir ce truc-là.
Derrière vous, il y a aussi une belle équipe !
FJ : On est super bien tombé, avec notre management, Magma, et puis Willem, de Busker, qui s’occupe de notre booking en Belgique.
FP : Et aux Pays-Bas, Jeroen de Ebb Music nous booke pour le reste du monde. Tous ces gens sont des passionnés, qui kiffent vraiment le projet et veulent nous porter plus loin.
FJ : Si je réfléchis de manière très humble, je dirais qu’on a beaucoup de chance. Et si je réfléchis de manière un peu moins humble, j’ai l’impression que c’est peut-être parce qu’on met tellement d’amour et d’énergie dans ce projet que ça draine des gens dans cette énergie. Ils sentent une motivation et ça leur donne envie de s’investir. Pour l’instant, chaque personne qui a rejoint le projet, y compris nos deux techniciens, son et lumière, est motivée à 200% ! Oui, il y a vraiment une chouette énergie qui circule.
En novembre, vous vous lancerez dans un court “belgian club tour” : quel est le concept ?
FJ : Dans notre set, on a plein de choses qui fonctionnent bien et on n’aura pas le temps d’en concevoir un nouveau, mais je pense qu’on va essayer de le rafraîchir quelque peu. Et jouer dans des salles comme celles qui nous attendent, ça nous permet d’avoir un show un peu plus construit au niveau des lumières, de prévoir de la projection – notre ingé lumière fait des projections – ce qu’on peut moins imaginer dans les festivals où on a un timing très short. Dans les clubs, on va prendre le temps de s’installer, donc être un peu plus solide dans ce qu’on a envie de présenter.
Dans une interview à un magazine néerlandophone, vous disiez avoir plus souvent joué en Flandre qu’en Wallonie. Comment cela se fait-il ?
FJ : Je pense qu’en Flandre, il y a plus de salles et peut-être plus de moyens aussi qui permettent à ces salles d’accueillir des groupes avec une infrastructure un peu plus lourde. Et puis, au niveau du style de musique, entre l’électronique et le jazz, il y a un peu plus d’événements qu’en Wallonie…
À propos d’images et de présentation des choses, on ne pouvait pas ne pas évoquer le formidable clip qui illustre Cheesecake… réalisé avec l’aide d’une intelligence artificielle. C’est un des gros débats du moment, la création musicale et l’IA.
FP : J’ai vécu une expérience avec ma copine à ce propos. Elle cherchait un truc, qu’elle ne trouvait pas et on s’est dit bon, essayons Chat GPT ! Et elle a trouvé toutes les possibilités qu’on ne proposait nulle part ailleurs. Alors, je ne pense pas que c’est déjà développé à haut niveau mais ça arrivera dans quelques années. Et pourtant, c’est déjà impressionnant. Pour ce clip, le réalisateur (Super Tchip, la boîte bruxelloise de Yoann Stehr, avec lequel ont également travaillé Glauque, Avalanche Kaito, Under The Reefs Orchestra… – ndlr) a juste donné “le code”. Ça a pris un peu de temps, mais voilà le résultat. À la base, je n’étais pas très fan de tout ce qui est intelligence artificielle mais finalement, je me suis emballé quand même, j’ai vu le résultat et je me suis dit “ok” ! C’est un peu comme quand tu es enfant et que tu dis que d’office, tu n’aimes pas les légumes. C’est un peu… “naïf”.
FJ : Ça a quand même été beaucoup de travail pour eux de dompter cette machine. J’imagine que ça va se perfectionner avec les années. C’est intéressant de voir qu’il y a certains trucs qu’elle fait très bien et d’autres qu’elle fait encore très, très mal. Est-ce que ça va nous prendre notre travail ? Ici, ce n’est clairement pas le cas, c’est juste un outil. Après oui, c’est un vaste débat. Moi, ça ne me fait pas trop peur. Bien sûr qu’il faut un peu cadrer ces trucs-là, ce serait dommage que ça remplace tout, plein d’emplois, bien sûr. Mais il y a quand même beaucoup d’évolutions technologiques qui au final ont juste été des outils. C’est une constante. Prends la musique électronique : j’imagine que quand sont apparus les séquenceurs ou les sampleurs, des gens se sont alarmés et puis maintenant, avec le recul, on arrive à voir que ça a bien évolué.
L’EP sorti en 2019 s’intitule Douf, et sur l’album, on a des titres comme Rouf rouf, Choukes ou Dawn in Duden… Et puis, rien que le nom du groupe déjà. Ça fait beaucoup de clins d’oeil à Bruxelles, où vous êtes tous installés, mais dont aucun n’est originaire.
FP : Bien sûr, il y a de la blague, là-dedans. Mais en même temps… je viens d’Italie, j’ai grandi là-bas, et ici, j’ai dû apprendre le français, céder la priorité à droite et je me sens… Bruxellois. Quand je dis “je rentre à la maison”, je ne dis pas “je rentre en Italie”. C’est Bruxelles, ma maison.
FJ : Je ne sais pas pourquoi mais à chaque fois que je reviens ici, je suis super fier de cette ville. Je suis assez fier aussi du mélange qu’il y a dans cette ville. Et j’ai envie de le représenter. Et puis de rendre un hommage, aussi modeste soit-il, par quelques titres à… quelque chose. On a envie de s’ancrer dans ce paysage. C’est grâce à cette ville que cette musique existe ! C’est l’air qu’on respire, chaque petit détail, chaque petite influence qui nourrit notre musique.
ECHT!
Sink-Along
Sdban Records