La fin de la “classe moyenne” du secteur musical ?
Les concerts au Stade Roi Baudouin et les méga festivals saturés de stars ne désemplissent pas. Angèle et Damso sont partout. Tout va donc bien pour la musique en Fédération Wallonie-Bruxelles ? À voir. Car de l’autre côté du spectre, bon nombre d’artistes et d’organisateur·rices de concerts moins imposants tirent la sonnette d’alarme : la “classe moyenne” de la musique serait en train de mourir à petit feu.
J’ai quelque chose à vous annoncer… ». Le 26 mars 2023, c’est par ces mots que Konoba débute un long message sur sa page Facebook. Après trois albums et un tube planétaire (On Our Knees, sorti en 2015), l’artiste wavrien vient en effet de décider de mettre sa carrière « sur pause ». Envie de ne plus rester les bras croisés face aux enjeux écologiques, questionnements à propos du fonctionnement des réseaux sociaux : dans les lignes qui suivent, celui qui se nomme en fait Raphaël Esterhazy détaille les raisons de sa décision. Mais très vite, l’une d’elles frappe plus encore que les autres. Si Konoba a décidé d’arrêter la musique, c’est aussi parce qu’il « peine à survivre financièrement » et qu’il doit se « battre non stop » pour son « petit bout de pain ».
Bien sûr, la précarité a toujours fait partie du quotidien des musicien·nes. Mais pour Konoba, quelque chose a changé depuis quelques années. Tout serait actuellement en place pour favoriser « la croissance d’acteurs énormes au détriment d’acteurs plus locaux », explique-t-il aujourd’hui à Larsen. Les petites salles seraient vides alors que les stades seraient pleins. Les petits et moyens festivals songeraient à fermer leurs portes, plombés par la hausse des charges et l’absence de public. L’industrie musicale se mondialiserait de plus en plus, favorisant les grosses stars. Et, en bout de course, les artistes de petite et moyenne importance boiraient la tasse, luttant plus que jamais pour survivre financièrement. En gros, c’est l’ensemble de ce qu’on pourrait appeler la “classe moyenne” des acteur·rices de la musique qui serait en train de couler à pic en Belgique francophone. « La place qu’il y avait pour une culture “indé”, de taille moyenne, a disparu. On a l’impression, en Fédération Wallonie-Bruxelles, que le secteur musical va bien parce qu’on a Stromae, Damso et Angèle. Mais ce sont les arbres qui cachent une forêt qui brûle… », assène Konoba.
Des festivals et des salles en souffrance
Quand il a pris connaissance du message de Konoba, Boris Gronemberger s’est presque trouvé « rassuré » de ne plus se sentir seul. C’est que lui aussi, après plus de vingt ans de carrière dans des groupes comme Girls in Hawaii, Raymondo, Castus ou à tenir les rênes d’un projet comme River Into Lake, a fini par arriver au même constat que l’auteur de On Our Knees. « Il se passe quelque chose. Tout le monde le sent et se retrouve dans la même galère », souffle-t-il. Premier maillon de la chaîne à être touché : les organisateurs de concerts de petite et moyenne importance. En France, une étude publiée par le Centre National de la Musique (CNM), un établissement public placé sous la tutelle du ministère de la Culture, indiquait qu’en 2022 les petits festivals (moins de 250.000 euros de budget) ainsi que ceux de moyenne importance (entre 250.000 et 500.000 euros) avaient vu leurs charges augmenter respectivement de 20% et 19% alors que leurs produits n’augmentaient que de 11%, en comparaison avec 2019. Les gros et très gros festivals, eux, voyaient leurs charges et leurs produits s’équilibrer… En Belgique francophone, si la Fédération des Festivals de Musique Wallonie-Bruxelles (FFMWB) ne dispose pas de chiffres détaillés, son représentant, Didier Gosset, estime que « dans les grandes lignes on doit arriver aux mêmes conclusions. Il existe actuellement un phénomène de polarisation du secteur qui renvoie à une disparition de la classe moyenne », continue-t-il.
Comment expliquer cette situation? David Salomonowicz est porte-parole du festival Esperanzah!. Et son analyse est assez simple : « Avec la guerre en Ukraine, les prix de l’énergie ont triplé, quadruplé. Et à la suite du Covid, on connaît une pénurie de main-d’œuvre pour certaines fonctions, comme les techniciens. Beaucoup ont quitté le métier durant la pandémie, il y en a donc moins et ils coûtent plus cher. Tout cela a chamboulé l’économie des petits et moyens festivals qui, contrairement aux gros, n’ont pas pour unique optique de faire de l’argent sans regard pour l’esthétique et ne sont pas soutenus par des actionnaires, du sponsoring, etc. », explique-t-il.
Les conséquences de cette situation sont parfois graves. En juin 2023, le Bear Rock a annoncé que le festival n’aurait pas lieu cette année. En cause : des recettes trop faibles pour les événements organisés en sortie de Covid et les augmentations des prix des fournisseurs auxquels auraient dû faire face les organisateurs si le festival avait eu lieu en 2023.
Notons que du côté des salles, c’est la même rengaine. « Parfois, je me dis que je ferais mieux de vendre », grince ainsi Olivier Bette, propriétaire et programmateur de la salle La Verrerie – située à Braine-le-Comte – et qui se voit contraint de piocher dans ses deniers personnels pour éponger les trous dans la trésorerie occasionnés par la situation actuelle. Pour faire face, La Verrerie a modifié le prix des tickets de ses concerts: autrefois limité à une fourchette de 6 à 8 euros, il est aujourd’hui adapté en fonction des pertes que le concert pourrait engendrer. « Le prix monte maintenant parfois jusqu’à 15 euros », détaille Olivier Bette. Augmenter les prix des tickets, c’est également une solution à laquelle songe Frédéric Lamand, en charge de la programmation pour la salle l’Entrepôt et administrateur du Festival Les Aralunaires, à Arlon. « En 2024, soit nous recevons des aides publiques supérieures, soit nous serons contraints d’augmenter le prix des entrées », souligne-t-il à regret.
Konoba
La place qu’il y avait pour une culture “indé”, de taille moyenne, a disparu.
Pour survivre, certains festivals et salles de moyenne importance songeraient également à augmenter leurs budgets, à grossir, venant ainsi alimenter la vague actuelle d’hypertrophie du secteur qui veut qu’il faille proposer de plus en plus d’artistes, énormes si possible, entourés de light shows démesurés, au risque de verser dans l’événementiel plutôt que dans la culture. « Quand vous voyez la programmation du Hellfest, cela ressemble à un bottin téléphonique des années 80 », ironise Didier Gosset. Pour le représentant de la FFMWB, il existe cependant une autre voie : se diriger vers une « décroissance » où l’on diminuerait le nombre de scènes, d’artistes, en se centrant sur une « proposition musicale intéressante » et une identité forte du festival. Un pari qu’Esperanzah! a fait à sa manière, si l’on en croit David Salomonowicz. « Nous voulons rester un festival “moyen”, sans tête d’affiche et sans cachets démesurés, explique-t-il. Je pense qu’il y a encore moyen d’exister avec ce modèle mais dans trois ou quatre ans, ce sera peut-être plus compliqué. On en sera arrivés à un tel stade au niveau des prix des fournisseurs que ce ne sera plus viable. Peut-être qu’il faudra passer à la classe moyenne supérieure. »
Fainéants, les spectateurs ?
Tout ne s’explique cependant pas par la hausse des charges. Au fur et à mesure des interviews, un autre problème pointe le bout de son nez : l’absence de public. Là où Coldplay remplissait quatre fois le stade Roi Baudouin en août 2022, écoulant 208.000 tickets dont les prix étaient compris entre 52 et 139 euros, les salles et festivals de petite et moyenne importance semblent avoir de plus en plus de mal à vendre quelques centaines de places à 10 ou 15 euros. « Depuis le Covid, c’est la cata pour avoir 100 personnes. Nos tickets sont à quelques euros mais les gens rechignent malgré tout alors que ce sont les mêmes personnes qui vont mettre 150 balles pour aller voir une star. Pour votre article, vous feriez peut-être bien d’interroger un psychologue », se désespère Olivier Bette. Un constat partagé par l’ensemble des acteur·rices de la musique – musiciens, bookers, manageurs, organisateurs de concerts… – auxquels Larsen a pu parler. « On constate un changement d’attention du public, il existe un phénomène d’ultra concentration sur les gros événements, renchérit Didier Gosset. Les artistes rassembleurs font le plein dans les stades alors que la fréquentation des concerts “découverte” est en berne. » Un phénomène qui ne se limite pas aux seules musiques actuelles. Bernard Mouton, directeur artistique des festivals de musique classique Midi-Minimes à Bruxelles et l’Eté Mosan en Wallonie, effectue le même constat : « La fréquentation des concerts est en baisse, on a perdu une partie du public. Et ce constat vaut aussi pour les sponsors: ils ne s’intéressent plus qu’aux gros événements. On va vers un appauvrissement de l’offre culturelle. »
Boris Gronemberger
Depuis dix ans, je ne fais qu’abaisser la barre de mes attentes.
Dans le secteur, cette situation en laisse beaucoup désarmés. David Salomonowicz n’hésite pas à parler de « presque fainéantise » de la part du public. Du côté de la FACIR, la fédération belge rassemblant 800 musicien·nes “tous styles confondus”, Fabien Hidalgo, son coordinateur, évoque un effet « Coupe du monde ». « On va au concert une fois par an, dans un grand stade. » Et chez Magma, un collectif bruxellois combinant label, organisation d’événements, agence de management et de communication pour artistes, on pointe aussi une différence de culture avec la Flandre « où les gens vont plus aux concerts », selon Julien Gathy. « Si le public n’a pas envie d’aller à ton festival ultra stylé, tu ne peux rien faire », souffle Sébastien Desprez, l’autre tête pensante du collectif.
Mais que s’est-il donc passé ? Outre l’effet du Covid, tous les doigts pointent en direction des réseaux sociaux et des relations que ceux-ci entretiennent avec la fameuse “Génération Z” (les personnes nées entre 1997 et 2010). Biberonnée au buzz, à la hype et au format “30 secondes” de Tik Tok, celle-ci en aurait perdu son appétence pour la découverte et les artistes indés, leur préférant les stars bling bling qui cartonnent en ligne. « Les artistes purement indés touchent une tranche d’âge entre 30 et 40 ans, pas les jeunes, constate Frédéric Lamand. Pour espérer les avoir, il faut aller vers les musiques urbaines, et encore: les musiques urbaines indés ne touchent pas non plus les teenagers, qui vont préférer mettre 40 euros pour aller voir un gros artiste hip-hop qu’un rappeur émergent. C’est l’effet des réseaux sociaux: tu es viral si tu es visible. » Si une autre étude menée par le Centre National de la Musique (Musique live et Génération Z: enjeux et perspectives) affirme « qu’il reste difficile de tirer des constats définitifs » à ce sujet, le “Baromètre des pratiques culturelles des Français en matière de spectacles musicaux et de variété” pour l’année 2022 indique que la catégorie des 18-24 ans semble porter plus d’intérêt aux grandes salles « de type Zénith » qu’aux petites salles…
Les réseaux sociaux auraient aussi d’autres effets sur le public, singulièrement le jeune. Celui-ci se montrerait plus volatil, réserverait ses places de plus en plus tard, au grès des milliers de sollicitations auxquelles il est soumis, ce que confirme le “Baromètre des pratiques culturelles des Français”. Une situation qui mettrait les organisateurs de concert sous tension. « On est coincés dans une économie de l’attention », confirme également Konoba. Plus encore : « La musique est en concurrence avec l’humour ou le soft porn et doit se frayer un chemin dans un paysage sursaturé ».
Enfin, il y aurait aussi la concurrence, qui aurait fortement augmenté. « Il n’y a jamais eu autant d’activités dans le secteur musical », témoigne David Dehard, coordinateur de Court-Circuit, la “Fédération de lieux de musiques actuelles, d’organisation de concerts et de festivals soutenant l’émergence artistique en Wallonie et à Bruxelles”. « En FWB, le secteur musical fonctionne encore souvent de manière artisanale et si je le souhaite, je peux mettre sur pied un festival dans mon jardin. Tout le monde s’improvise organisateur et ces événement amateurs viennent concurrencer les professionnels. » Fatalement, avec autant de propositions, des tickets dont les prix augmentent, une inflation galopante et un budget limité, les spectateurs – singulièrement les plus jeunes – doivent donc faire des choix…
Payés en visibilité
« Depuis dix ans, je ne fais qu’abaisser la barre de mes attentes. » Boris Gronemberger n’y va pas par quatre chemins lorsqu’il évoque sa situation en tant que musicien. S’il continue, dit-il, c’est par passion. Mais son constat est clair : « Pour un artiste indé, il devient de plus en plus compliqué de trouver des dates de concert ou de vendre de disques. » Échaudés par le Covid, mis sous pression par la hausse des charges et la frilosité d’une partie du public, les organisateurs de concerts joueraient la prudence et seraient de plus en plus tentés de ne programmer que de gros noms susceptibles de ramener du monde, au détriment des artistes indés. « Toutes les affiches des festivals finissent par se ressembler. L’année passée, Orelsan et Pierre de Maere étaient partout », constate David Salomonowicz.
Les salaires sont à l’avenant. Plombés par les difficultés financières ou les gros salaires des têtes d’affiches, les salles et festivals rechigneraient à délier les cordons de la bourse pour les artistes moins mainstream. « On voit parfois des cachets de 2.000 à 3.000 euros mais il faut payer l’ingénieur du son, l’essence pour la voiture, le fait de mettre de l’argent de côté pour le prochain album. À la fin, les musiciens se retrouvent avec 50 euros en poche après un concert », détaille Sébastien Desprez, de Magma. Maureen Vanden Berghe, directrice artistique de Julia Camino, une agence de booking, de management et de direction artistique, évoque quant à elle son ras-le-bol de voir les groupes payés « en visibilité » via des concerts qu’ils prestent presque gratuitement.
Il n’y a d’ailleurs pas que les groupes qui souffrent. Ingénieurs du son, lumière, bookers, managers : tout l’écosystème tournant autour des groupes et dépendant des rentrées de ceux-ci en prendrait pour son grade. « La classe moyenne, je ne l’ai jamais vue, continue Maureen Vanden Berghe. Je touche 300 ou 400 euros nets par mois. J’ai le statut d’artiste, sinon ce serait injouable. » Si disposer du statut d’artiste semble donc constituer un impératif, tout le monde n’a pas cette chance. Pour celleux qui ne font pas partie des heureux·euses élu·es, c’est une « situation financière plus grande que la précarité » qui les attend, d’après Sébastien Desprez. Et ce ne sont pas les ventes de disques “physiques”, en chute libre au niveau mondial malgré une légère remontée en 2021 et 2022, qui viendront les aider, pas plus que – dans beaucoup de cas – le streaming, dont on débat encore aujourd’hui pour savoir quel modèle de répartition des revenus est le plus équitable et dont l’impact dépend aussi du “deal” passé par chaque artiste avec sa maison de disque, s’il en a une. Cerise sur le gâteau, à l’image de ce qui se passe pour les organisateurs de concert, la concurrence serait énorme aujourd’hui en Fédération Wallonie-Bruxelles. « À la suite de la démocratisation des moyens de production, il y a beaucoup plus d’artistes de très bonne qualité qu’il y a vingt ans », explique Fabian Hidalgo.
Un tableau bien sombre ? D’après Konoba, il ne serait pas le seul musicien à avoir décidé d’appuyer sur le bouton “stop”. « Tous les artistes que je côtoyais en concert ont arrêté, ils ne cherchent même plus à en vivre… », constate-t-il.
Les radios pour tirer tout le monde vers le haut ?
Des solutions existent-elles ? Les yeux tournés vers l’exemple de la Flandre, David Dehard, évoque la création d’un maillage de lieux de concert de proximité permettant de « consommer des artistes locaux ». Mais plus que tout, c’est un vieux monstre du loch Ness qui refait surface dès que l’on évoque des pistes de sortie par le haut : celui des quotas radiophoniques de musiques issues de la FWB, principalement sur les chaînes radios publiques. Pour de nombreux·ses intervenant·es, a contrario de ce qui se passe en Flandre, les médias francophones ne seraient pas assez “fiers” de leurs artistes et rechigneraient à les diffuser en quantité suffisante, ce qui permettrait pourtant d’amorcer un cercle vertueux, donnant une visibilité à celleux-ci et un plus grand accès aux concerts.
Longtemps cantonnés à des objectifs assez modestes, ces quotas ont pourtant été rehaussés récemment pour atteindre des pourcentages plus ambitieux. Dorénavant, des radios comme Tarmac, Jam, La Première et Tipik devront diffuser 20% d’œuvres non classiques issues de la FWB, des objectifs que la plupart d’entre-elles atteignaient d’ailleurs déjà. Pourtant, pour Fabian Hidalgo, il y a un souci : « Rien ne garantit que les radios ne vont pas remplir ces quotas en ne passant que des artistes déjà hyper médiatisés. Il aurait fallu mettre en place des sous-quotas de diversité », analyse-t-il. Une crainte que ressent également David Salomonowicz, qui en plus d’être le porte-parole d’Esperanzah! est aussi à la tête de Com as you Are, une agence de communication pour projets musicaux.
« Il y a un manque d’audace de nos radios francophones. Cela fait des années que cela dure et cela participe à l’uniformisation actuelle. Certaines radios me disent que “le public francophone, il ne faut pas le bousculer!” », lâche-t-il. Si la confidentielle Jam. fait en général l’unanimité, c’est plutôt Tipik et sa programmation électro-pop très mainstream qui semble faire grincer de nombreuses dents.
David Salomonowicz
Il y a un manque d’audace de nos radios francophones.
Face à ces critiques, Bernard Dobbeleer ne cache pas son incompréhension. Chargé de projet sur les contenus musicaux pour les radios de la RTBF et chef de projet pour Jam., il affirme que le service public « fait le taf ». « Et puis, certaines musiques sont difficiles à programmer, enchaîne-t-il. On ne peut pas mélanger Rihanna avec Tukan et ECHT! sur une radio comme Tipik », lâche-t-il encore lorsqu’on évoque avec lui la création d’une radio plus éclectique, à l’image de Studio Brussel, la radio flamande citée par des nombreux intervenants comme le modèle à suivre.
Pourrait-on pourtant passer plus d’artistes FWB à la RTBF? Pour Bernard Dobbeleer, cette option se heurte à un obstacle. « 20%, cela correspond à la réalité de la production en FWB. Si on devait hausser cette proportion, on devrait baisser les standards », explique-t-il. Un argument qui ne convainc pas Sébastien Van Mulders. Actif sur BX1, il s’est fait le pari de passer sur les ondes 100% d’artistes de la FWB, issus de genres variés (pop, jazz, électro, musiques urbaines, classique, musique du monde, chanson francophone) « avec une rotation la plus large possible. Nous ne passons pas la tête d’affiche huit fois par jour ». Et d’après lui, c’est tout à fait possible. « C’est uniquement une question de choix éditorial. Nous diffusons 100% d’artistes de la FWB depuis quatre ans et je n’ai pas l’impression de jouer des choses inaudibles », tranche-t-il.
Sagesse ou résignation ?
Reste une question qui fâche : et si finalement seule une partie des artistes de la FWB était appelée à jouer dans la cour des professionnels ? Car tout le monde ne semble pas galérer. Membre de Tukan, un des jeunes groupes bruxellois qui monte, Nathan Van Brande, décrit « un système qui fonctionne » pour le groupe et « où tout le monde est payé, où le projet évolue ».
Et si ce qui se passait constituait donc plutôt un retour à l’équilibre après des années d’illusions voulant que tout le monde pourrait potentiellement vivre de sa musique ? C’est une piste de réflexion suggérée à demi-mot par David Dehard. « Il y a trop d’aspirants “pro” se déclarant professionnels parce que c’est valorisant. Mais être amateur ce n’est pas mal, cela veut juste dire que la musique ne constitue pas la source intégrale de vos revenus. En Islande, les musiciens ont un boulot sur le côté. » Une manière de fonctionner adoptée par de plus en plus de musicien·nes en FWB d’après nos interlocuteur·rices et qui les voit retourner à la musique en mode “Do it yourself” ou « Hobby +++ », selon les termes de Konoba. C’est notamment le cas de Barbara Decloux et Carl Roosens. Fondateurs de l’autoproclamé « minuscule micro-label » bruxellois GNiGNiGNiGNiGNi, ils assurent ne jamais promettre la lune aux artistes avec lesquel·les ils collaborent. « On a toujours bricolé. Ce truc de la débrouille, je l’ai toujours connu, je n’ai jamais fait en sorte d’être d’une efficacité telle que nous serions “rentables”. Nous ne sommes pas dans l’attente, il n’y a donc pas de frustration », explique Carl Roosens. Sagesse ou résignation ? On vous laisse juges…