Néo-classique
baume au cœur d’une époque chaotique et angoissée
Quelle que soit l’étiquette y accolée, la nouvelle approche musicale fondée sur la consonance est partout.Présentes en force dans les playlists des plateformes d’écoute numériques, ses vedettes – Ludovico Einaudi, Max Richter, Nils Frahm – font des émules en Belgique avec Echo Collective ou Glass Museum. Leur point commun : une quête d’identité sonore comme moyen de séduction. Qu’il rassure ou qu’il énerve, le néo-classicisme est parmi nous.
S’il y a une petite entreprise musicale qui ne connaît pas la crise, c’est bien ce que l’on regroupe sous l’appellation “néo-classique”. On pourrait dire aussi “classique contemporain”, “néo” ou “post-minimaliste”, c’est du pareil au même : dans tous les cas, la mélodie est reine, le piano son roi, la simplicité à la clé.
Cela va faire bientôt vingt ans que sévissent Max Richter et Nils Frahm, les stars internationales du genre, gros vendeurs comme leur prédécesseur, Ludovico Einaudi. Plus récemment, en Belgique, sont apparues des formations comme Echo Collective et Glass Museum, ou La Reine Seule, incarnée par Judith Hoorens, évadée de We Stood Like Kings.
Christophe Pirenne - historien
Ce sont souvent les musiques les plus simples qui sont les plus difficiles à jouer.
Il va sans dire que le succès populaire et commercial entraîne la suspicion. Laissant sur place la deux-millionième interprétation du Prélude n°15 en ré bémol majeur Sostenuto, connu sous le nom de La goutte d’eau, de Frédéric Chopin, ou de la Neuvième de Ludwig van, les Richter, Frahm et Einaudi caracolent aussi devant les tenants de la création dite contemporaine, qui a fait de la dissonance son cheval de bataille. Inévitablement, la réussite des uns suscite une certaine jalousie parmi les tenants de l’orthodoxie.
Vieille controverse
Imposé par l’industrie musicale qui en fait son beurre, le terme lui-même de “néo-classique” est sujet à caution, l’appellation recouvrant à peu près autant de styles qu’il y a d’interprètes. La controverse bat donc son plein, et elle ne date pas d’hier.
« Le néo-classicisme, dans les histoires de la musique, c’est plutôt l’entre-deux-guerres », observe Christophe Pirenne. Les critiques des années 1920 décrivaient Maurice Ravel, Igor Stravinsky, Darius Milhaud, Francis Poulenc, Serge Prokofiev ou Paul Hindemith comme étant des compositeurs néo-classiques, tous dans le même sac, ce qui posait déjà problème. Pour l’historien, professeur à l’Université de Liège et à l’UC Louvain, ce sont donc « deux étiquettes collées à des époques très différentes sur des choses très différentes ».
Quand la violoniste Margaret Hermant compose, notamment pour Echo Collective, « c’est dans une esthétique qui correspond à celle de Max Richter ou de Nils Frahm. En général, cela vient du mouvement minimaliste : simple, compréhensible par les adeptes de plusieurs genres musicaux différents, cela peut toucher plein de gens ».
Réaction contre l’hermétisme
Dans ce qu’il appelle aussi « la nouvelle simplicité », Christophe Pirenne voit « plutôt une réaction assez forte contre l’hermétisme qu’on peut reprocher à certaines formes de musique contemporaine, après 1945. En Belgique, en France comme en Allemagne, il y avait une terrible force institutionnelle du “toboggan de l’histoire”¹. Ceux qui continuaient à utiliser des accords consonants étaient diabolisés ».
Ainsi, en Europe, se sont imposés les adeptes du dodécaphonisme, puis du sérialisme, du post-sérialisme et enfin du post-modernisme musical. Dans le même temps, les recherches en musique électronique battaient leur plein : avant l’Ircam à Paris, Pierre Schaeffer avait son Studio d’essai, Stockhausen créait le sien à Cologne, Berio faisait de même à Milan.
Élève de Frederic Rzewski et de Philippe Boesmans, proche d’Henri Pousseur en Belgique, de György Ligeti et de Iannis Xenakis, entre autres, à l’étranger, le compositeur Claude Ledoux a son explication du rejet quasi total de la musique tonale durant cinquante ans : « Les compositeurs de cette époque voulaient retrouver un langage commun, et ils l’ont trouvé dans le langage chromatique. Ce qu’on appelle l’émancipation de la dissonance. Initialement, les musiciens contemporains faisaient partie d’une génération qui a connu la guerre. Ils voulaient échapper à une forme de romantisme, la musique d’Hitler, des nationalismes. Pour eux, la musique tonale était liée à l’histoire des conflits, des révolutions, de la violence. Une forme d’abstraction musicale était faite pour s’éloigner de la musique qui symbolisait la tragédie ».
Changement de cadre
Selon l’analyse du compositeur belge, la musique dite contemporaine a connu un vrai succès. Comme le public n’avait plus de point de repère, de référence face à cette création, « il fallait avoir une solide éducation » pour s’y intéresser et « curieusement, elle était là ». La grande différence, aujourd’hui, c’est que « la guerre ne veut plus rien dire pour les générations actuelles. On n’est plus dans le même cadre social et idéologique. On n’a plus cette éducation, cette culture ». Or, l’appréhension de la musique est toujours liée à cette culture. « Il y a donc des modifications de choix esthétiques. »
L’avènement de l’approche musicale qualifiée de néo-classique serait « une réaction contre l’ultra-intellectualisme d’une partie des musiciens contemporains. Face à cela émerge une ultra-simplification, ce qui est assez convenu comme réponse », résume le professeur Pirenne. Les sources d’inspiration régulièrement invoquées par les néo-classiques sont, outre… Erik Satie, les minimalistes ou répétitifs américains des années 1960 : Steve Reich, Terry Riley, Philip Glass, John Adams, LaMonte Young.
« Ceux qui ont une éducation pop-rock n’hésitent pas à se réclamer des Kraftwerk, Tangerine Dream, Klaus Schulze, ajoute Christophe Pirenne. Ceux-là ont été les précurseurs de la techno, et maintenant, ils sont ceux de cette nouvelle simplicité ». Le fait d’être une musique très consonante explique l’énorme succès de l’approche néo-classique et « les tempos assez lents font contrepoint à la vitesse ou à la frénésie de la vie quotidienne. Cette musique nourrit le besoin de méditation ou de spiritualité du XXIe siècle ».
La “Leçon de piano”
La majorité des œuvres produites sous l’étiquette néo-classique sont instrumentales. « Ce n’est pas très éloigné des musiques de film, qui prennent de plus en plus d’importance, note le professeur Pirenne. C’est une façon pour ces musiques d’intégrer le répertoire des grands orchestres ». Et c’est vrai que la plupart des artistes post-minimalistes, tels Nils Frahm ou Max Richter, sont aussi des compositeurs de bandes musicales de films, de séries télé, etc.
À noter qu’un de leurs célèbres prédécesseurs, l’Anglais Michael Nyman, 78 ans, a été le premier à utiliser le terme “minimal” à propos de cette musique, lors d’une performance, à Londres, en 1968. Nyman auquel on doit une kyrielle de musiques de films, dont l’emblématique Leçon de piano de Jane Campion, en 1993.
Le plus étonnant est que ces musiciens viennent d’univers souvent différents. Frahm et Richter ont des formations classiques solides, comme la violoniste Margaret Hermant et la pianiste Judith Hoorens – même si elle évolue dans le… post-rock avec We Stood Like Kings. De formation classique également, le pianiste Antoine Flipo constitue, avec le batteur Martin Grégoire, un Glass Museum d’obédience plutôt jazz à la base. « C’est un confluent de plusieurs approches d’écriture musicale, observe Margaret Hermant. Il y a des gens qui connaissent bien la musique et l’ont étudiée, ou pas, venant de la musique électro. »
Ça plane pour eux
« Des producteurs techno en sont proches également, confirme Christophe Pirenne. Ces musiques planantes ont pris leur place dans le théâtre alors qu’avant, c’était uniquement des contemporains stricto sensu. Elles accompagnent aussi des œuvres de plasticiens. Ce n’est pas une techno basée sur le rythme mais qui travaille sur des ambiances. »
La technologie n’est pas pour rien dans l’engouement pour le néo-classicisme sous toutes ses formes. L’un des logiciels de composition les plus célèbres est GarageBand, fourni avec les ordinateurs Apple depuis 2004. Bien d’autres ont fait leur apparition, comme Tracktion Waveform Free, Audacity, Pro Tools First ou encore Ohm Studio (!). « Ces outils sont incroyablement faciles, analyse Christophe Pirenne, et, sans la moindre compétence, des gens écrivent des musiques magnifiques ! Ce qui peut poser des problèmes aux conservatoires… Les logiciels d’écriture musicale ont beaucoup favorisé le développement du répertoire post-minimaliste. »
« Bidouiller les ordinateurs, c’est une grande porte d’entrée musicale pour la nouvelle génération, estime le compositeur Claude Ledoux. « Il n’est pas rare que l’on utilise l’électronique et que l’on compose à l’ordinateur avec des librairies de sons, confirme Margaret Hermant. Certains écrivent comme ça avant de faire jouer leur musique par des interprètes. Max Richter prend des instrumentistes de haut vol. »
Arvo Pärt au supermarché
Christophe Pirenne se souvient de ses débuts au cours d’Henri Pousseur, qu’il juge d’une « bienveillance extrême ». À 20 ans, quand on lui demandait de citer des musiciens contemporains et qu’il évoquait Philip Glass et Arvo Pärt, il se voyait répondre : « C’est de la musique de grande surface, ça ! ». Pärt au supermarché ? « C’est très bien, parce que ça me donnerait envie de rester dans la grande surface, sourit Margaret Hermant, pour qui il faut de la musique pour tout le monde. Je n’ai aucun problème à partir du moment où les gens sont sincères et ont des intentions de partage. »
Venant de certains interprètes du répertoire classique, les critiques fusent quant à la “simplicité” du post-minimalisme, « mais il faut soutenir les sons, les couleurs sont assez pures », relève la violoniste. Parfois, des musiciens classiques qui savent très bien jouer ne sont pas bons du tout dans ce répertoire ». Avant de confier ses 12 Conversations with Thilo Heinzmann à Echo Collective, feu le compositeur islandais Jóhann Jóhannsson avait testé son œuvre avec un quatuor à cordes anglais, sans succès.
Au plus simple, au plus difficile
« Comme celle d’Arvo Pärt, c’est une musique très à découvert, analyse Margaret Hermant. Quand on joue devant 4, 5 ou 600 personnes, soutenir des sons bien justes sans stresser n’est pas facile. La musique la plus facile peut être la plus compliquée à mettre en valeur et à transmettre. Techniquement, il n’y a pas grand-chose à prouver, on n’est pas là en tant que virtuose. L’interprète doit capter et garder l’attention de l’audience sans virtuosité ! » « Ce sont souvent les musiques les plus simples qui sont les plus difficiles à jouer », renchérit Christophe Pirenne.
L’historien de l’ULg et de l’UCLouvain se dit fan du genre – « J’adore ! » –, tout en reconnaissant que c’est « de la musique d’ascenseur dans pas mal de cas… ». De son propre aveu, Margaret Hermant s’inspire du néo-minimalisme – et de tas d’autres choses d’un peu partout dans le monde –, qu’elle pratique.
Le compositeur Claude Ledoux, lui, a été frappé par les Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi revisitées par Max Richter : « En partant d’une œuvre extraordinaire, nous entrons dans une autre forme, comme Las Meninas de Picasso où Les Ménines de Diego Vélasquez sont réinterprétées à la manière cubiste de quarante-quatre manières différentes. On a un point d’ancrage et l’artiste nous emmène tout à fait ailleurs ». Pour le reste, « des tas d’autres pièces me laissent indifférent, comme une musique qui glisse sur nos tympans ».
Ce qui ne laisse personne indifférent, c’est le succès commercial de ces artistes. Réussite due, en grande partie, à l’évolution des technologies de diffusion de la musique enregistrée : « Le mode d’écoute est important ! », relève Christophe Pirenne. « Chez les nouveaux arrivants qui ont 15 à 20 ans, l’écoute par album a disparu. Elle passe désormais par des playlists, qui ont souvent à faire avec des activités ou des atmosphères : “Mood booster” pour se remonter le moral, “Lazy Sunday” pour la grasse matinée, “Souper entre amis”… »
Vous avez dit playliszt ?
« Dans les playlists de musique classique, je suis frappé par la disparition de la musique contemporaine, poursuit le professeur Pirenne. Par contre, dans les “Classical New Releases”, on trouve en premier Einaudi, Steve Reich, Rachel Portman. » Il se dit même que certains n’exerceraient leur “art” que pour entrer dans l’une ou l’autre de ces playlists (playliszt ?) fournies en abondance sur les plateformes d’écoute en ligne comme Tidal, Deezer, Qobuz, pour ne parler que des plus recommandables.
Vient alors la question qui fâche : et si tout ça n’était qu’une affaire commerciale ? L’industrie a toujours été très forte pour vendre à tour de bras de la musiquette facile à écouter. « Est-ce que cela empêche les chefs-d’œuvre ? », rétorque Christophe Pirenne. « Les deux peuvent aller de pair. Mais, une fois que l’industrie musicale s’empare d’un phénomène, on va produire des choses sans importance qui seront oubliées demain. Cette traditionnelle opposition entre l’art et le commerce, je crois qu’on peut oublier. »
« On ne sait pas si Vivaldi n’était pas un petit peu commercial, sourit Margaret Hermant. Musique et commerce ont toujours existé, et il y a toujours des gens qui utilisent les ficelles des autres, les pionniers, pour faire de l’argent. Il ne faut pas mélanger les deux. Parfois, les playlists et les réseaux sociaux sont une manière intelligente d’arriver à se faire connaître. On demande ça aux virtuoses aussi. »
La séduction par le son
En tout état de cause, néo-classique ou post-minimaliste, voire « nouvelle simplicité », selon l’expression de Christophe Pirenne, cette approche actuelle de la musique plaît. Et la séduction du son n’y est pas pour rien : « À partir d’un instrument ultra connu comme le piano, il est surprenant qu’on puisse à ce point trouver de nouvelles sonorités ». Chez Echo Collective, qui enregistre dans des lieux particuliers comme les églises, « on cherche aussi dans la technique d’enregistrement ce qui va personnaliser le son », explique Margaret Hermant.
« Cela vient du rock », relève le professeur Pirenne : « tous les guitaristes peuvent jouer les mêmes accords, mais chez certains, on reconnaît immédiatement la sonorité ». « Et il y a le son, ce qu’on recherche dans la musique rock, renchérit Claude Ledoux. Dans ma musique, j’essaie aussi d’avoir un son, une identité sonore ».
Bulle protectrice
« Dans les paramètres séduisants de ces musiques, il y a des sonorités très feutrées, analyse Christophe Pirenne. À un certain moment, on ne sait plus si c’est joué sur des logiciels de sons ou si l’on a mis des micros sur les touches et les marteaux du piano ». Et le professeur d’histoire de la musique de prendre en exemple le disque Debussy-Rameau de Víkingur Ólafsson – encore un Islandais – paru chez Deutsche Grammophon en 2020 : « Cela donne l’impression d’ultra-proximité avec le piano. On est dans une bulle protectrice, enveloppante, rassurante. Cela a beaucoup à faire avec le sentiment d’insécurité des êtres humains du XXIe siècle ».
« Le XXIe siècle est chaotique et angoissant, confirme Margaret Hermant. Cette musique aide à se rapprocher de quelque chose de simple, d’organique, de la nature, comme un petit rappel en douceur. Simplement, ça fait du bien. Qu’ils soient en lutte ou en quête de beauté apaisante, les artistes ont un rôle à jouer par rapport à l’époque dans laquelle ils se trouvent. » « Je ne comprends pas – et plus – le jugement en général, la mise en concurrence des choses, assène la violoniste et compositrice. On prend ou on ne prend pas, il n’y a pas de revendication. Cela peut perturber des gens qui se sont donnés d’autres missions, mais il n’y a pas à considérer ce que les autres font comme n’étant pas bien ».
(1) Par « toboggan de l’histoire de la musique », le professeur Christophe Pirenne évoque « une voie déterministe dont on ne pouvait s’échapper ». « La tonalité d’un Jean-Sébastien Bach évolue vers des tensions harmoniques chez Haydn et Mozart, puis chez les romantiques, jusqu’à aboutir à l’atonalité fin du XIXe siècle. Et l’on bascule vers le dodécaphonisme, puis le sérialisme, qui applique les principes du dodécaphonisme à tous les paramètres de la musique. Le toboggan s’arrête avec le post-sérialisme, fin des années septante, là où les voies se multiplient. Un Olivier Messiaen n’est pas sur le toboggan musical. »
(2) La symphonie neuronale » (2020), Pourquoi la musique est indispensable au cerveau, Emmanuel Bigand et Barbara Tillmann, éd. Humensciences, 242 pp.
Glass Museum : Et maintenant, ils sont trois !
Au début, l’influence du jazz prédominait chez Glass Museum. « Mais comme ce qu’on écoute évolue très fort, on est moins dans le jazz », concède le batteur Martin Grégoire. Avec son compère pianiste Antoine Flipo, qu’écoutent-ils donc ? Erik Satie, « influence incontournable qui a marqué la musique contemporaine », Philip Glass, Steve Reich, Jon Hopkins, Hania Rani, Nils Frahm et les artistes des étiquettes correspondantes, Gondwana et Erased Tapes. Où le néo-classique se mêle à l’électro. D’ailleurs, via le duo Elefan, Brieuc Angenot se situe plutôt dans cette mouvance, avec sa contrebasse et ses synthés basse et polyphonique. Présent dans les concerts depuis 2020, ce dernier va participer au prochain enregistrement : Glass Museum devient un trio ! « C’est une période de recherche, explique Martin Grégoire, nous remettons en question notre manière de travailler pour ne pas tomber dans les mêmes schémas que les trois premiers albums. La partie électro étant gérée par Brieuc, cela libère le piano pour nous permettre d’avoir une méthode de composition plus directe. »
La Reine, Seule et romantique
Au sein de We Stood Like Kings, la pianiste Judith Hoorens définit l’orientation comme étant « post-rock/néo-classique ». La filiation avec le rock progressif s’arrête à la déconstruction du format couplet/refrain, en mode instrumental uniquement. Non sans un certain culot, le groupe a réinterprété de la musique savante, du baroque au contemporain : Classical : Re:Works (2020), « en gardant très bien notre identité ». De bonnes prédispositions pour que Judith Hoorens se lance dans un projet solo, La Reine Seule, dont le premier album, Visages, a paru mi-2022. Avec un bagage bien rempli – piano en académie, écriture au Koninklijk Conservatorium Brussel –, elle s’est lancée dans « une écriture qui se rapprochait plus du classique, assez technique et dense ». Travail épuré pour en arriver à « huit variations sur une même cellule musicale exprimée de diverses façons », comme autant de facettes de Visages. « Je n’étais jamais allée chercher aussi profondément ce qui est en moi, dit-elle, cela me ressemble à 300 %. » Bercée par Chopin et tout ça, Judith Hoorens « pense être une grande romantique ». Cela se reflète dans Visages, avec ses « envolées mélodiques qui font un peu venir la larme à l’œil ». Néo-classique de tempérament, dira-t-on.
Grosse tête en zone d’inconfort
Adoucir les maux du quotidien n’est pas le seul rôle dévolu à la musique actuelle. « Une société écoute avant l’individu, analyse Claude Ledoux, les playlists apaisantes ne sont que le reflet des choix de préférence. » Face à ces écoutes rassurantes, le compositeur en appelle aux neurosciences2 disant que, paresseux, le cerveau nous porte vers des éléments qui confortent : « avec ce qui nous rassure ou nous conforte, le cerveau travaille sur le mode économique et il s’appauvrit. En écoutant une musique où l’on sent quelque chose qu’on connaît, et autre chose qu’on ne connaît pas, on est en zone d’inconfort. Le cerveau crée alors des relations neuronales, c’est la meilleure façon de le faire travailler. Or, grande découverte des neurosciences ces dernières années : la musique est partout dans le cerveau. »