cabane
La vie de famille
Thomas Jean Henri défendait la sortie de son album Grande est la maison lorsque le confinement s’est installé. Exit la promo, exit les concerts. Il revient aujourd’hui avec un disque de "remakes" portés par sa famille d’artistes : Marc Huyghens, Nicolas Michaux, Dorothée De Koon, Raoul Vignal… Il nous en parle à travers quatre disques qui l'accompagnent depuis longtemps.
This Is the Kit, Krülle Bol (2010)
C’est le tout premier disque de Kate (Stables, ndlr). C’est important de le souligner car à l’époque elle vivait déjà avec Jesse (Jesse D. Vernon du groupe Morning Star, ndlr), avec lequel je collaborais, et c’était lui qui avait le vent en poupe à ce moment-là. Et puis au fil des années, il y a eu comme une inversion, la carrière de Kate a vraiment décollé. Elle a dû assumer ce rééquilibrage au sein de son couple. C’était en 2010 et depuis elle n’a jamais arrêté. Elle tourne tout le temps, elle a réalisé 4 autres albums. Moi, je sors un album tous les 10 ans ! Elle a joué dans des conditions pas toujours faciles, tu dors où tu peux et rarement dans le confort d’un hôtel. Sa musique très douce entre en contraste avec cette personnalité hyper combattive. Et avec Jesse, ce sont vraiment des battants. Mais toujours avec respect et un grand sens de la famille. Ils ont la musique ancrée au corps et au cœur. Quand tu es chez eux, très souvent un repas se termine avec Kate qui va chercher son banjo et tout le monde chante. C’est vraiment leur quotidien.
Sibylle Baier, Colour Green
(écrit en 1970, paru en 2004)
J’adore quand on se retrouve avec l’essence même des morceaux. C’est ce que j’essaie de faire moi aussi. Guitare, voix, peu ou pas d’overdubs. J’appelle ça des ‘pop’ songs : des mélodies fortes, qui donnent envie de chanter, avec le moins d’arrangements possibles. Ce ne sont pas les arrangements qui font la chanson. Avec le home studio aujourd’hui, tu peux vite te perdre, combler les faiblesses avec des pistes et des pistes. Dans cet album de Sibylle Baier, il y est aussi question de famille. Ces chansons ont été enregistrées quand elle était jeune au début des années 70 mais elle a décidé de se consacrer à ses enfants, de renoncer à une carrière musicale. C’est son fils qui a "exhumé" ces morceaux, les a gravés comme cadeau pour sa maman et puis ça a commencé à circuler. En fait, cet album aurait pu ne jamais voir le jour. Je me pose la question d’où est la place aujourd’hui pour ce genre de chansons, alors que tout doit être rentable. C’est beau aussi de créer comme ça, juste pour sa famille, non ? Sans pression. Des pop songs.
Molly Drake
(album écrit dans les années 50 mais paru seulement en 2013)
J’aurais pu choisir Nick Drake mais je lui ai préféré le disque de sa maman. On y entend vraiment le lien musical qu’il y a entre elle et lui. Nick Drake, je l’ai énormément écouté. J’adore ses chansons tristes et pop mais aux arrangements joyeux, c’est vraiment une direction que j’adore. Dans ce disque-ci, on entend quelqu’un qui ne joue aucun rôle, sans fards et ça évoque directement qui elle est, on sent qu’on est à la campagne, dans une ferme. C’est cette authenticité qui me touche, l’émotion passe à travers les mélodies qui servent juste de filtres. J’espère réussir ça aussi. Avec mon projet de reprises, j’adore découvrir comment d’autres peuvent se réapproprier mon travail, réinterpréter mes émotions. Et ce sont aussi de super rencontres. Raoul Vignal est venu deux jours à Bruxelles, on a fait des photos, on a bu des verres… j’espère qu’un jour on fera de la musique ensemble. La première fois que j’ai écouté ce qu’il faisait, je n’avais pourtant pas accroché, je trouvais que c’était trop "Nick Drake" justement. Et puis j’ai changé d’avis : en fait, on s’en fout, non ? Sa musique est super belle et tant pis si c’est très référencé.
Bonnie ‘Prince’ Billy, Master And Everyone (2003)
Master & Everyone, c’est une drôle d’histoire. C’est un disque clé pour moi. Je venais de quitter Venus (où Thomas était batteur, ndlr) et Will (Oldham aka Bonnie ‘Prince’ Billy, ndlr) me demande de jouer sur cet album. Et puis finalement, il décide de ne pas mettre de batterie sur le disque. Je suis revenu en Belgique et je l’ai revendue. J’avais envie depuis toujours d’écrire des chansons, des les arranger et j’ai alors suivi des cours d’arrangements pour mini-orchestres. Ça a été le déclic. J’ai donc choisi ici quatre albums sans batterie, tout comme celui de cabane. C’était important pour moi de le souligner car aujourd’hui s’il n’y a pas de percussions, tu ne passes pas en radio. Ne pas mettre de batterie, c’est donc vraiment un acte de foi. Dans certains morceaux, comme je les fais, et aussi dans ces quatre disques, c’est la guitare qui apporte le rythme. Master & Everyone, c’est juste une guitare, une voix, on est à la base des morceaux : la musique et la force d’un texte. Et c’est magnifique.