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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Hamza

Nouvelle donne

Nicolas Capart

Publié à la mi-février, la sortie de Sincèrement est à n’en pas douter l’un des événements attendus de ce début d’année. Du haut de ses vingt-huit printemps, le rappeur de Bockstael livre ici son meilleur album à ce jour. Le plus écrit aussi. On y découvre un autre visage de Hamza, plus apaisé, presque intime par endroit et en totale maîtrise de son sujet. Un disque signature taillé dans un r’n’b de velours, mais miné de déflagrations et de quelques rencontres au sommet.

Comme elle semble lointaine, l’époque où le jeune Hamza cuisinait La Sauce avec ses trois copines et conjuguait le verbe sale dans le clip du même nom. Quasi dix ans de rimes plus tard, les gardien·nes de la bien-pensance auront bien du mal à trouver de quoi incriminer le dernier album en date du rappeur. Si, des années durant, Hamza s’est longtemps plu à décrire dans ses couplets une réalité et un quotidien dont il était moins acteur que témoin, jamais le Bruxellois n’est apparu aussi en adéquation avec sa musique qu’aujourd’hui.

 

Hamza

Ce disque est moins corsé on va dire,
même s’il reste quelques mots pimentés par ci par là.

 

En phase lorsqu’il se livre et expose ses blessures sur un fil de piano dès l’intro. Quand il promène ses sneakers entre les pistes et se joue des registres (rap, r’n’b, afro, électro) avec une facilité presque arrogante. Ou encore lorsqu’il croise le vers au calme avec Offset, l’un des boss du “rap game” international. Posé, confiant, serein, rieur et égal à lui-même tel qu’il se présenta face à nous ce matin-là. Un gars simple, dans une jolie veste Louis V, sur le point d’enfin occuper le trône qui l’appelle depuis une décennie.

Quatre albums, dix ans de carrière. Pas encore vétéran mais assez pour dresser un premier bilan.
Je ne suis pas encore vieux (rires) ! Mais je sens que je prends de l’âge… et surtout de l’expérience. J’essaie toujours de m’améliorer. Avec le temps, j’ai gagné en confiance, je suis plus sûr de moi. Il faut éviter de trop réfléchir, revenir à la passion. Aujourd’hui, je me prends moins la tête et je m’amuse à nouveau en studio. Tout va bien dans ma vie. Il s’est passé pas mal de choses depuis 140 bpm (son précédent projet drill, – ndlr). Le covid nous a forcé à rester enfermés, il y a eu beaucoup de musique, j’ai pas mal charbonné. J’ai également changé de management. Le temps a filé très vite… Et je me suis marié l’an dernier, “à la maison”, sur la Grand-Place de Bruxelles.

Depuis les premières rimes de Kilogrammes, votre parcours a connu des hauts et des bas, il y a eu quelques mauvais choix… D’aucuns diraient que vous devriez être plus “gros” aujourd’hui.
Après des débuts totalement en indé, j’ai entamé mon parcours label avec REC118 et l’album 1994 en 2017. En co-prod. Et ça s’est toujours bien passé, même si on a pu se sentir un peu seuls sur le navire à un moment donné. Aujourd’hui, c’est toujours ensemble que l’on publie ce dernier projet. Pour la suite, on verra… Côté management, il y a eu en effet pas mal de changements au fil des années. Mais c’est le destin : tu fais parfois des mauvais choix, tu apprends de tes erreurs… Peut-être que j’aurais pu être plus “gros”, je ne sais pas… Finalement, ça fait partie de mon parcours, mon histoire était sûrement écrite comme ça. Il a fallu beaucoup travailler, ça n’a pas été facile de sortir de Bruxelles et de la Belgique. Je suis fier de ce que j’ai réalisé jusqu’à présent et heureux de ce qui m’arrive aujourd’hui. J’ai repris ma boîte solo, avec une nouvelle équipe : Amir (Trez Recordz) et Oz Touch… qui était déjà là à mes débuts en fait. Regroupement familial (rires).

Comme le titre l’annonce, Sincèrement est un album bien plus personnel que vos précédents travaux.
L’album était quasiment terminé, mais je n’avais pas d’idée de titre. Quand Lucozi, avec qui je travaille, m’a suggéréSincèrement, j’ai tout de suite adhéré. Ça sonnait intimiste et ça collait parfaitement avec l’humeur dans laquelle j’étais au moment de composer tous ces nouveaux morceaux. Et tu rentres immédiatement dans cette ambiance avec le piano de l’intro (le premier single dévoilé, – ndlr). Il y a eu deux phases d’écriture. Toute la partie plus sombre, les titres introspectifs, ont été réalisé pendant le confinement. Les morceaux plus colorés et rythmés datent de l’été qui a suivi. En écrivant, j’ai laissé ma créativité parler, je me suis beaucoup remis en question et j’ai pas mal réfléchi sur ma vie d’artiste. Je me suis endurci aussi. Donc je raconte plus de choses dans ce disque.

Un disque plus intime, plus écrit, mais aussi bien plus “soft” que certaines rimes passées qui, à l’époque, ont pu choquer certaines oreilles sensibles.
En effet, ce disque est moins corsé on va dire, même s’il reste quelques mots pimentés par ci par là (rires). J’ai toujours été un peu lover et beaucoup parlé d’amour. C’est encore le cas aujourd’hui dans pas mal des nouveaux tracks. Mais c’est ma manière d’en parler qui diffère. Le message est clair, direct, les mots sont moins crus… Et il n’y a plus toute cette agressivité, le ton a changé. Faut croire que j’ai gagné en maturité aussi avec l’âge, j’ai vingt-huit ans maintenant (sourire).

 

Hamza

J’adorerais tourner aux États-Unis ou même en Afrique.

 

À plusieurs reprises, vous évoquez également vos addictions, de manière détournée ou frontale comme dans le titre Codéine 19.
J’en parle en effet beaucoup dans mes lyrics. Mon problème, c’est que j’ai eu trop facilement tendance à associer certains produits au fait d’être en studio. Tellement que je n’arrivais plus à faire de la musique sans avoir recours à ces trucs. C’était psychologique, car je n’avais pas besoin de ça finalement. Mais j’ai heureusement réussi à m’en défaire dans ma vie de tous les jours.

Le 22 novembre 2023, vous jouerez devant une Accor Arena sold out à Paris. Dès l’annonce, la salle s’est remplie très vite. Vous vous y attendiez ?
Je ne m’y attendais pas, je ne vais pas mentir. Pas à ce que ça aille si vite en tout cas. J’essaie toujours de rester réaliste. Mais Oz et Amir ont fait un gros taf en amont et ça a porté ses fruits. Les différents feat. que j’ai réalisés ont fait monter la sauce progressivement. J’ai eu de la chance avec Fade Up aussi, car le morceau a vraiment cartonné et plein de gens m’ont découvert suite à ça… Donc on a rempli l’Accor Arena. J’en suis vraiment fier et j’ai hâte d’y être. Tout comme j’ai hâte de jouer ce disque ici en Belgique (Hamza sera au Palais 12 le 16 novembre, – ndlr) et en festivals cet été (aux Ardentes notamment, – ndlr).

Parlons de collaborations justement. Il y a cette rumeur d’album en tandem avec SCH d’abord, puis les invités de marque de Sincèrement.
Avec SCH, on s’entend super bien. Et il a été question de réaliser un projet en commun, on avait même commencé… Le morceau Fade up devait en faire partie. Mais, finalement, c’est tombé à l’eau. Sur ce disque figure la deuxième partie de Atasanté avec Tiakola. C’est un mec que j’adore, aussi bien humainement que musicalement, j’essaie de le capter chaque fois que je suis sur Paris et il fait de même quand il passe à Bruxelles. Il m’a invité sur son dernier album et je voulais vraiment lui rendre la pareille. On s’entend super bien dans le boulot, on a les mêmes automatismes en studio et on est efficaces en duo.

Il y a l’incontournable collaboration avec Damso, plutôt surprenante cette fois.
Avec Damso, on se connaît depuis très longtemps et nous nous sommes souvent retrouvés ensemble en studio. Lui et moi, on aime s’aventurer dans des trucs différents, on adore prendre les gens à contre-pied et, surtout, on n’avait pas envie de livrer le morceau rappé auquel tout le monde s’attendait. Ponko nous a fait écouter des sons en studio et on a décidé de reprendre le titre Lady de Modjo. En mode club.

Enfin, au rayon international, il y a un titre avec CKay et l’énorme duo avec… Offset. Comment cette collaboration a pu voir le jour ?
J’étais dans le sud pour bosser et mon équipe a reçu un coup de fil. Offset était en France pour la Fashion Week, quelqu’un lui avait parlé de moi et il avait envie de partager une session. J’ai directement pris un avion pour Paris. La rencontre s’est faite dans un studio et le courant est vite passé entre nous. On s’est posé, je lui ai fait écouter des sons et il a kiffé. Ensuite, il est entré dans la cabine pour poser. C’était super impressionnant de l’observer travailler. Ces gars d’Atlanta ne procèdent pas du tout comme nous pour enregistrer, ils y vont à l’impro. Offset a écouté l’instru une fois et il est parti directement en freestyle au micro. Sans rien écrire au préalable. Ensuite, il gardait ou supprimait des lignes au fil des prises jusqu’à avoir ses couplets. Je n’avais jamais vu ça.

Cela donne Sadio, un hit en puissance en forme de clin d’œil au buteur sénégalais. La référence footballistique, ça reste un passage obligé dans le rap ?
Obligé non, mais moi je n’hésite jamais, parce que j’adore ça. Je crois que j’aime le foot autant que j’aime le rap. J’ai regardé la Coupe du Monde, j’ai vu des matches de dingue… J’étais déçu pour la Belgique, je les voyais aller un peu plus loin, mais j’étais forcément heureux et fier du parcours des Marocains. C’est dommage les débordements dans la foulée. Dommage aussi que le mauvais comportement d’une poignée provoque des jugements généralisés. Et que certains mal intentionnés s’en servent ensuite à de fins politiques… Mais ce n’est pas neuf. Perso, je soutiens le Barça. Mais j’adore Sadio Mané, c’est un joueur incroyable. J’espère qu’il entendra le morceau.

Y a-t-il des choses que vous voudriez encore réaliser avant de raccrocher les crampons ?
Il y a plusieurs featurings que j’aimerais bien enregistrer un jour. Une collaboration avec Drake par exemple, ce serait fort. Puis, j’aimerais bien faire une tournée internationale surtout, car c’est quelque chose que je n’ai jamais fait. J’ai joué en Belgique, en France, en Suisse, mais j’adorerais tourner aux États-Unis ou même en Afrique. Les plateformes rendent ce genre d’objectif possible aujourd’hui. Mais à part ça, je vis au jour le jour, et je sais que d’autres opportunités se présenteront.