Lara Herbinia
des visages, des figures
Une fleur dans les cheveux, un appareil photo à la main, la chanteuse du groupe Bertier immortalise des visages connus. De Brigitte Fontaine à Daniel Darc en passant par Odieu ou Benjamin Biolay, ses clichés valent le coup d’œil.
Depuis les premiers jours du confinement, les concerts sont en berne. Pour se remonter le moral, Lara Herbinia farfouille dans ses archives et exhibe de jolis souvenirs. « Sur internet, je poste des images du public. Voir l’étincelle dans les yeux des gens, c’est ce qui me manque le plus en ce moment. » Connue pour ses photos de concert et ses pochettes d’album, la Bruxelloise a grandi du côté de Rixensart. « C’est là, à 16 ans, que j’ai commencé à chanter avec The Monster Squad, un petit groupe qui faisait des reprises de Metallica. » Après ses années trash metal, l’adolescente change radicalement de style. « Je suis devenue la deuxième voix de Madeleine Bertier, une formation festive comparable aux Têtes raides. C’est comme ça que j’ai rencontré Pierre Dungen, le chanteur, avec qui je suis aujourd’hui en couple. » Par la suite, Lara Herbinia se lance dans l’enseignement. D’abord prof de morale, puis de philo et citoyenneté, elle garde toujours un pied dans la musique. Après les cours, elle retrouve en effet Madeleine Bertier pour quelques heures de répétition. « Pendant que les garçons installaient leurs amplis, j’observais. À force de les regarder s’activer autour de moi, j’ai senti qu’il me manquait un truc. Alors, je me suis pointée avec un appareil photo. » C’est le début d’une nouvelle passion. « De fil en aiguille, d’autres musiciens m’ont demandé de leur tirer le portrait. » Cette carrière parallèle prend un tournant décisif en 2011 lors du passage de Hubert-Félix Thiéfaine au Cirque Royal. « Je voulais le photographier sur scène, mais son label a refusé ma demande. Le jour-même, sa manageuse m’a finalement invité pour un shooting dans les coulisses. » L’expérience est un succès. À tel point que la photographe accompagnera Thiéfaine sur d’autres dates de la tournée.
Fascinée par la magie de l’instant, Lara Herbinia capte des moments en noir et blanc. Tandis que ses photos de Brigitte Fontaine ou BB Brunes attirent le regard, elle se met à collaborer avec les magazines FrancoFans ou Focus Vif. Lors d’un festival, elle croise Yan Péchin, guitariste de quelques totems de la chanson française (d’Alain Bashung à Jane Birkin). « J’en ai profité pour le photographier. » Dans le même temps, Madeleine Bertier se tourne vers d’autres horizons. Le rock festif n’est plus à la mode et, pour tout dire, le monde n’est pas à la fête. Conscient de ce changement de paradigme, la formation abandonne Madeleine dans les bois et poursuit sa route sous le nom de Bertier. « Après ma rencontre avec Yan, je lui ai proposé de jouer avec nous. Contre toute attente, il a accepté. » Sur le point de sortir un nouvel album (feu.E), Bertier prend désormais la forme d’un véritable collectif. En attendant les prochains concerts, Lara Herbinia classe ses photos et entasse les souvenirs. Un cliché de Daniel Darc, en particulier, retient son attention. « C’était en 2014 au Botanique, se rappelle-t-elle. Le chanteur était en train de faire le guignol dans les loges. Je lui ai dit que je voulais bien le prendre en photo, mais qu’il fallait y mette un peu de bonne volonté. Pendant deux minutes, il est revenu sur terre. Au naturel, sans minauderie ni faux-semblant. C’est une image qui, aujourd’hui encore, me bouleverse. Souvent, les gens associent mes photos à la scène musicale. Pourtant, je me considère plutôt comme une portraitiste. Moi, ma spécialité, ce n’est pas la musique, mais l’humain. »