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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Isha

L'art du feat.

Nicolas Alsteen

Figure emblématique du rap belge, Isha s’impose en patron à l’heure de servir son premier album studio. Entre hommage au frère disparu et fiction hantée par quelques démons personnels, Labrador bleu monte la garde. Au taquet, toujours loin devant.

Avant de promener son Labrador bleu dans l’espace public, Isha s’est dévoilé via le documentaire Sourire aux fantômes. Diffusé sur les réseaux, ce biopic retrace un itinéraire accidenté. « J’avais besoin de faire le point une dernière fois avant de tourner la page », explique-t-il. C’est qu’à bientôt 36 ans, l’artiste a déjà plus de mille vies au compteur. Modèle pour les uns, parrain du rap bruxellois pour les autres, il a aiguisé son art sur les trottoirs de la ville avant d’imposer son style sur les plus grandes scènes du pays. Vingt ans après ses débuts, Isha sort donc un premier album sous son (pré)nom. « Chaque chose arrive au bon moment, dit-il. En ce sens, Labrador bleu tombe à pic. C’est le témoin de mon endurance et d’une certaine abnégation. » Cet album découle pourtant de nombreuses remises en question. Parti d’une table rase, couché sur une page blanche, Labrador bleu s’est dessiné dans l’instant, à l’instinct. « Avant de l’enregistrer, j’ai jeté l’équivalent d’un disque entier. J’avais l’impression d’être dans la redite. » Pour éviter de se répéter, Isha a pris exemple sur les rappeurs d’Atlanta. « Je suis arrivé en studio sans avoir écrit un mot. Mes textes sont nés au contact de la musique. Cette façon de travailler m’a libéré. »


Isha

 Dans ma carrière, chaque collaboration tient d’abord à une relation.


Entre montées de fièvre (Tueur de dragon), coups francs (FIFA) et clin d’œil à l’idole (La réincarnation de Biggie), Isha partage le micro avec Limsa d’Aulnay (Modou), OG Gold (Étage) ou Caballero & JeanJass (Meilleur Karaté). « Ce sont des proches. À un moment, j’avais composé des trucs profilés pour des featurings commerciaux ou complètement bling-bling. Mais j’ai vite réalisé que j’étais sur la mauvaise voie. Dans ma carrière, chaque collaboration tient d’abord à une relation. Il n’y a pas de raison que ça change. » Sous ses dehors fictionnels, Labrador bleu s’abreuve à la source d’un chaos personnel parfaitement maîtrisé. « J’ai besoin d’exfiltrer mes démons pour avancer. C’est quasi thérapeutique. Je ne pourrai jamais écrire un morceau indolore et insouciant. Ça ne me ressemble pas. Ici, toutefois, je mise sur une approche plus cinématographique, moins égocentrique. J’ai trouvé une autre façon de parler de moi. » Une méthode moins autocentrée donc, mais toujours aussi efficace.