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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Le monde culturel au défi de la transition écologique

Louise Hermant

Le premier Forum de la Culture Durable prendra place fin novembre à Namur. Une journée où différents secteurs culturels sont invités à repenser leur mode de fonctionnement et à trouver leur place dans le développement durable.

L’initiative se montre ambitieuse. Les objectifs presque insurmontables aux premiers abords. Face aux nombreux et urgents défis climatiques, le secteur de la culture se mobilise le temps d’une journée pour évoquer ses réalités communes et dégager quelques solutions. Le 22 novembre au Delta à Namur, le premier Forum de la Culture Durable prendra place, élaboré par le programme Eventchange de l’organisation Pastoo. Différents milieux seront représentés : musée, arts de la scène, cinéma et musiques actuelles. « Il était important pour nous de se rassembler de manière intersectorielle. Beaucoup d’initiatives se font dans les différents secteurs. On se rend compte que ce que l’on peut appliquer pour l’un, on peut très bien l’adapter pour un autre. C’est très chouette de voir les idées et initiatives circuler », s’enthousiasme Lili Brodbeck, coordinatrice d’Eventchange.

 

Lili BrodbeckEventchange

Ce forum va permettre de montrer là où ça coince, où il y a des freins.

 

Tout au long de la journée, les professionnel·les du secteur pourront assister à de nombreuses conférences, traitant de la transformation numérique à l’économie circulaire, menées par des experts du secteur environnemental, des représentants de fédérations et des acteurs culturels à Bruxelles et en Wallonie. Ces prises de paroles seront alternées par différentes études de cas. Une manière d’amener du concert dans la discussion. « On ne voulait pas rester dans une approche théorique de réflexion et d’échanges. On tenait aussi à aller plus loin, soutient la coordinatrice de l’événement. L’ambition de cette journée est de marquer un premier pas : de manière collective, on va réfléchir et surtout agir. Le programme est très large. C’est voulu, il s’agit d’une sorte d’aperçu de ce qu’est le développement durable. On peut parfois se demander par quels bouts commencer, cela peut s’avérer assez vertigineux. »

Une série «d’échoppes durables» seront également à disposition des participant·es. Celles-ci encadrent différentes thématiques comme l’inclusion sociale et l’accessibilité PMR et aux autres handicaps. « Il n’existe pas uniquement le côté environnemental dans le développement durable. Il est important d’également travailler sur l’aspect social. La culture doit être partagée et se montrer la plus égalitaire possible. » Les autres échoppes seront consacrées à l’alimentation, la gestion des déchets ou la mobilité douce et alternative. Chaque secteur pourra y trouver des outils et ressources adaptés à sa réalité et ses besoins.

Vers plus de mutualisation ?

Le milieu de la musique pourra, par exemple, se diriger vers la table qui traite de la mutualisation. Un « sujet brûlant » ces derniers temps pour Didier Gosset, membre du comité de pilotage du Forum et représentant de la Fédération des Festivals de Musique Wallonie-Bruxelles (FFMWB). « On travaille beaucoup autour de cette question. Chaque festival n’a pas les moyens financiers d’acheter tout le matériel dont il a besoin. Il va donc être amené à le louer, souvent à des tarifs prohibitifs puisque moins on le loue, plus ça coûte cher. On pourrait envisager de mettre sur pied une sorte de pool de matériel spécifique qui serait mis à disposition de tous les membres de la Fédération, voire de tous les opérateurs de concerts. »

Toujours dans une optique de mutualisation, Lili Brodbeck avance une réflexion autour des tournées. Un artiste pourrait ne plus se contenter de jouer à un seul endroit, mais pourrait bien multiplier sa présence dans une zone géographique donnée. Une manière de concentrer le personnel et les effectifs. Elle comprend, toutefois, qu’il s’agit d’une question sensible et qui touche à la spécificité de la programmation.

Ingrid Bezikofer, du CCMA (Comité de Concertation des Métiers des Musiques), également membre du comité de pilotage de la journée, positive toutefois autour de cette question. « L’idée fait quand même son chemin. Il existe une sorte de consensus moral pour tendre vers cela parmi les programmateurs en FWB, assure-t-elle. Au-delà d’un développement économique qui peut être mis en contradiction avec d’autres philosophies de décroissance, il existe aussi le développement interne et personnel sur comment on se situe par rapport au monde extérieur. Cela demande d’office des changements de comportement et de points de vue. »

Poser un cadre légal

L’un des grands changements qui s’apprête à avoir lieu pour le secteur événementiel concerne l’usage des gobelets en plastique à usage unique. Le 1er janvier 2023, ceux-ci deviendront interdits en Belgique. Une mesure qui découle de la directive européenne prise en 2019 sur l’interdiction du plastique à usage unique. Avec un peu de retard, la Belgique a enfin transposé cette décision au Moniteur belge il y a quelques mois. « Certains opérateurs interprètent cette mesure comme le dernier moment où l’on peut vider son stock de gobelets jetables. Il y a parfois un problème de compréhension. On doit avoir un rôle éducationnel », affirme Didier Gosset. Lors du Forum, Ipalle, l’intercommunale de gestion de l’environnement active en Wallonie picarde, viendra présenter son système de prêt de matériel Horeca recyclable ou réutilisable. Une manière d’offrir aux participants une ressource supplémentaire à laquelle faire appel et de témoigner d’initiatives qui fonctionnent.

Pour Ingrid Bezikofer, cette obligation légale concernant les gobelets pousse les opérateurs à réfléchir à de nouveaux modes de fonctionnement « C’est bien de pouvoir ouvrir le dialogue. Se demander sur la base de quels moyens on pourra se conformer à cette nouvelle réglementation, cela pourrait être une opportunité de réfléchir à l’impact sociétal et économique de notre secteur. » Poser des mesures de transition dans un cadre légal permet de faire avancer davantage les choses. Cela s’avère même « primordial », pour Lili Brodbeck. « Il faut légiférer. Il est indispensableque les politiques suivent, accompagnent et comprennent les enjeux. Ce forum va permettre de montrer là où ça coince, où il y a des freins. Certaines structures sont parfois bloquées à un niveau purement administratif. Une situation que les politiques peuvent débloquer. » Cet événement est notamment soutenu par le cabinet de Céline Tellier, la ministre wallonne de l’environnement en charge de développement durable et par la ministre de la culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Bénédicte Linard.

Des objectifs de décroissance

Après la crise Covid, le secteur fait dorénavant face à une crise énergétique majeure, qui le pousse à se réadapter et repenser son mode d’opération. Pour Didier Gosset, la question de la décroissance va se poser obligatoirement. « Esperanzah! est déjà entré dans cette logique cette année, en réduisant sa capacité. On peut éventuellement envisager de supprimer une scène ou un artiste pour tenter de diminuer l’enveloppe opérationnelle. » Avec l’inflation, les festivals pourraient se tourner davantage vers des générateurs à hydrogène, avec un impact carbone plus faible que ceux électriques. Les salles, elles, pourraient envisager de repenser leur isolation, quand elles le peuvent.

Pour tenter d’accompagner au mieux cette transition, Eventchange propose aux participants d’assurer un suivi en 2023. Lili Brodbeck insiste d’ailleurs sur le fait que le processus doit s’inscrire dans la durée. Sur le court, le moyen et le long terme. « Si après ce forum, il n’y a plus rien et que tout le monde repart sans suivi, ni rencontre programmée, les actions se feront de manière bien moins efficaces. L’accompagnement doit être clairement établi. On veut que les participants prennent des engagements.