Harold Noben
Compositeur viscéral
Le compositeur liégeois participe avec sa création Seven Years After au coffret des 60 ans de Musiques Nouvelles. Entretien vérité avec un assembleur de couleurs sans limites, aux partitions aussi séduisantes qu’accessibles.
Il va devoir se faire au succès, Harold Noben, même si son humilité tranche avec l’air du temps. Lui qui, à huit ans déjà, se risquait à la Marche Turque sur un orgue Bontempi en plastique orange (!), s’est fait chaudement acclamer à Bozar en septembre dernier, avec son concerto Beyond, créé pour les 250 ans de l’Orchestre de la Monnaie. Mais il faudrait aussi évoquer la réussite, deux ans plus tôt, de son opéra de poche À l’extrême bord du monde. Ou ses séduisantes compositions pour l’ensemble de violoncelles Ô-Celli. Et tant d’autres œuvres où il mêle, dit-il, « énergie juvénile et maturité positive ».
Harold Noben
J’ai besoin d’exprimer ce que je ressens
et je ne désire surtout pas que l’esthétique soit un frein.
Difficile donc, en entamant la conversation avec Harold, de ne pas saluer son parcours – il n’a que 44 ans – même si celui-ci le laisse, dit-il, sur son « derrière ». On aurait pu écrire "pantois", pudeur linguistique qui aurait trahi le propos. Car Harold est d’une sincérité désarmante, à l’image de sa musique, contemporaine car actuelle, mais d’une accessibilité telle que l’on n’ose pas trop lui coller cet adjectif souvent rébarbatif.
La compo dans le sang
Il lui a en tout cas fallu beaucoup, de temps, pour se reconnaître une légitimité de compositeur, qu’il « commence seulement à accepter grâce à la confiance du public et des musiciens. Mon opéra pour la Monnaie a été libératoire. Quelque chose en moi s’est ouvert. Grâce, notamment, à la supervision bienveillante de Benoît Mernier. J’y ai synthétisé tout ce qui m’avait construit. »
Une construction menée à son rythme – « j’ai fait mon petit bonhomme de chemin plutôt tranquillement » –, même si le virus le contamina très jeune. « Mon grand-père dirigeait une chorale paroissiale et adorait l’informatique alors naissante. Il a eu le premier Commodore 64, le premier Atari. Le weekend, du haut de mes dix ans, j’essayais d’écrire quelques pièces avec son petit programme de notation musicale. Mais c’est surtout après mes études de piano au Conservatoire de Liège que je me suis mis sérieusement à la composition. »
Liberté, liberté…
Cela dit, ce n’est pas Harold qui proposera la case où ranger ses créations. Il est incapable de définir sa musique. « Certains défendent aujourd’hui la nouvelle consonance, d’autres un langage plus radical. Moi je ne me revendique de rien du tout. J’ai besoin d’exprimer ce que je ressens et je ne désire surtout pas que l’esthétique soit un frein. » D’où des couleurs qui lui sont propres, et d’autant plus riches que, en dehors du mentoring de Benoît Mernier lors de sa résidence à la Chapelle Reine Élisabeth, Harold n’a jamais eu de prof de composition. Cette absence d’enseignement plus ou moins formaté ne lui a pas toujours facilité la vie, le contraignant à relever seul les défis. « Mais cela signifie aussi une liberté totale. J’écris ce qui me correspond profondément. Je n’ai jamais eu envie d’écrire une œuvre consensuelle pour le public. D’ailleurs, je ne renie pas du tout ce qui a été fait en musique contemporaine, même expérimentale et conceptuelle. Cela me nourrit toujours. Mais ces langages ne sont pourtant pas les miens. J’ai parfois essayé, en vain, cela ne fonctionne pas bien. Par contre, cela me sert dans ma palette d’outils pour exprimer une idée. »
Peut-être est-ce d’ailleurs là la raison de ses succès, fruits d’une urgence viscérale à traduire ses sentiments en musique bien plus que d’une démarche intellectualisante. « Je n’aurai jamais la prétention d’écrire un nouveau langage », insiste-t-il. Tout en soulignant la complexité du sentiment créatif. « Je désire évidemment que les musiciens prennent du plaisir à défendre ma musique. Et que ce plaisir, ils le transmettent au public, qui doit trouver le sien. Sinon, j’aurais l’impression d’avoir loupé quelque chose. » Rassurons-le...