La New Wave of Belgian Jazz
un phénomène unique en Europe
Apparu il y a entre 5 et 7 ans, le mouvement New Wave of Belgian Jazz influence la scène européenne grâce à ses musicien·nes talentueux, rois de l’expérimentation. Larsen fait le tour d’horizon.
«Ça m’a frappé de voir à quel point le jazz est une scène très conviviale, accessible à tous, lance Mik Torfs, directeur artistique de la plateforme JazzLab créée en 1993. À la fin de leur concert, les plus grands noms du jazz vont boire un verre au bar et commencent à parler avec les gens du public.»
Issu du monde de la musique classique, Mik Torfs se rappelle ses débuts il y a 15 ans pour JazzLab, une organisation qui accompagne les nouveaux talents: « Ma première tournée pour JazzLab était avec Jef Neve. On sentait qu’il allait percer, il reste pourtant très sympathique, modeste, avec les pieds sur terre. »
Mik Torfs - JazzLab
Le jazz est devenu un bien commun.
Au fur et à mesure des années 2000, le pianiste originaire de Turnhout est devenu une référence dans l’alliance de jazz, musique classique et pop. Avec le Jef Neve Trio, il s’est produit aux quatre coins du monde, du Danemark à l’Australie, du Canada au Japon. « Jef Neve a une place importante dans la scène de jazz belge. Il attire un public qui n’aurait jamais écouté de jazz autrement », relève Peter De Backer, journaliste spécialisé dans le jazz pour De Standaard.
Des cafés aux centres culturels
Exporté des États-Unis, le jazz est arrivé au début du 20e siècle. Django Reinhardt, Philip Catherine, Toots Thielemans… des grands noms du jazz sont nés en Belgique. Les big bands étaient très populaires dans les années 40-60, le service public audiovisuel BRT avait même son propre groupe.
Fin des années 80–début 90, un nouveau mouvement voit le jour. Il est principalement actif à Bruxelles ainsi qu’à Gand et à Anvers. Le directeur artistique de JazzLab cite quelques noms en vogue à l’époque : le trompettiste Laurent Blondiau, le saxophoniste Jeroen Van Herzeele ou le pianiste Kris Defoort ainsi que des groupes comme Aka Moon ou le Brussels Jazz Orchestra.
« Quand JazzLab a été créé il y a près de 30 ans, on allait écouter du jazz dans les cafés, une clope au bec, un verre à la main. Les artistes étaient mal payés et jouaient dans de mauvaises conditions. L’objectif de JazzLab était d’offrir la possibilité aux groupes de jazz de se produire sur des scènes professionnelles », explique Mik Torfs.
En parallèle, les conservatoires de Gand et d’Anvers ont commencé à proposer des formations en jazz, un changement fondamental selon Peter De Backer : « Il n’y avait pas de formation de jazz avant, tu devais te lancer comme autodidacte si tu voulais devenir musicien de jazz. Il y a d’ailleurs actuellement de plus en plus de cursus. »
« Le jazz est devenu un bien commun. La scène s’est professionnalisée. Les musiciens jouent encore dans les cafés pour le plaisir, mais beaucoup moins qu’avant », surenchérit Mik Torfs.
New Wave of Belgian jazz !
Après l’époque de Laurent Blondiau et consort, Jef Neve, le batteur Teun Verbruggen et l’accordéoniste Tuur Florizoone marqueront une entre-période. Et puis, un séisme fait trembler la scène jazz belge : pop/rock, electronica, musique du monde… Les artistes de cette nouvelle vague mélangent les codes.
Son nom ? The New Wave of Belgian Jazz. L’appellation a été empruntée au légendaire slogan que l’on retrouvait systématiquement sur les élégantes pochettes du label novateur Impulse! qui a fait fureur avec John Coltrane dans les années 60 : The New Wave of Jazz Is On Impulse!
« Ça s’est fait un peu par hasard, une vague de musiciens talentueux ont étudié ensemble au Conservatoire de Gand. Ils ont complètement renouvelé la scène du jazz et jouent dans des festivals électro ou rock ainsi que dans des théâtres. Ils se disséminent partout », raconte Mik Torfs.
La New Wave of Belgian Jazz, plus moderne et expérimentale, est une scène en plein essor, confirme le journaliste mélomane du Standaard : « En 2014, Nordmann a par exemple remporté la deuxième place du prix Humo’s Rock Rally alors que c’est un groupe de jazz-rock. Il a également joué au Pukkelpop. »
Le quintet Black Flower propose quant à lui un voyage atmosphérique et planant avec ses envolées de flûte, tempos groovy, sonorités de l’Éthiopie.
Le charismatique leader de dEUS s’associe notamment au saxophoniste Robin Verheyen, prodigieux musicien belge émigré à New York pour constituer Taxiwars, un quartet dont la musique bouillonnante et énergisante carbure au rock, au funk et au punk. Sans oublier, la tromboniste Nabou Claerhout et le trio de jazz électroacoustique De Beren Gieren.
Lennert Baerts, le Thibaut Courtois du jazz
Lennert Baerts fait aussi partie de cette nouvelle vague. Et son histoire est plutôt atypique. En mars 2014, alors deuxième gardien du RC Genk (ancien club de Thibaut Courtois), il se blesse pendant l’échauffement d’un match contre Anderlecht. Le verdict du chirurgien est sans appel : fini le sport de haut niveau pour ce footballer prometteur.
Passionné de musique, il troque alors le ballon pour le saxophone. Il s’inscrit à l’examen d’entrée pour le Conservatoire d’Anvers. Lors de ses études, il a pu collaborer avec le trompettiste américain Ambrose Akinmusire et s’est produit avec lui au festival anversois Jazz Middelheim en 2019.
Lennert Baerts joue au sein du quartet Anti-Panopticon, un groupe que Peter De Backer a eu la joie de voir récemment en concert : « C’était phénoménal. C’est du jazz acoustique moderne en mode quartet classique, ça m’a fait penser à Branford Marsalis. »
« En Wallonie, on est jaloux de la Flandre »
Même si la New Wave of Belgian Jazz est belge, le mouvement a débuté en Flandre. « Il y a quelques années, la scène flamande s’est créé une réputation en misant sur le caractère expérimental, notamment en raison des programmes plus avant-gardistes dans les conservatoires de Gand et d’Anvers. Certains artistes wallons commencent à prendre le pas », témoigne Mik Torfs.
Jusque dans les années 90, il y avait une seule scène belge, se rappelle le directeur artistique : « Tous les musiciens de jazz flamands connaissaient les wallons et vice versa. Ces dernières années, on connaît surtout les artistes flamands, même si la scène bruxelloise regagne en force. »
Les différentes réformes de l’État ne sont pas étrangères à cette évolution, d’après Mik Torfs : « Les ministres en charge de la culture ont une autre vision. Le budget et les ambitions sont différents. On le voit sur le terrain. En Wallonie, on est jaloux de la Flandre. On reçoit plus de financement dans le secteur culturel flamand. Et tout comme en danse et au théâtre, le cliché veut que le jazz en Flandre expérimente plus. »
Les moyens financiers sont donc plus importants en Flandre et les managers de groupes peuvent aussi recevoir des subsides. Aubergine Management, Inside Jazz Management bénéficient par exemple de soutien pour promouvoir les artistes à l’international.
Malgré tout, les organisations francophones et néerlandophones continuent à se serrer les coudes. Les francophones des Lundis d’Hortense et les flamands de JazzLab organisent des tournées de groupe de jazz belges et collaborent à l’organisation du Belgian Jazz Meeting, trois jours destinés à attirer des programmateurs internationaux.
Mik Torfs conclut : « Le jazz belge jouit d’une bonne réputation en Europe. La professionnalisation a fonctionné. La New Wave of Belgian jazz est un phénomène unique en Europe. Les dernières décennies, on a vu une forte influence des musiciens scandinaves. Ces derniers temps, c’est au tour des Belges.»
Où aller écouter un concert de jazz en Flandre ?
Les centres culturels sont friands de concerts de jazz:
Nona (Malines) / Kaap (Ostende - Brugge) / De Casino (Saint-Nicolas) /30CC (Louvain) / CC Muze (Heusden - Holder) / Handelsbeurs (Gand) / Rataplan (Anvers) /De Bijloke (Gand)
Vous préférez les festivals ?
Gent Jazz (Gand) / Jazz Middelheim (Anvers)
Une adresse pour retrouver les principaux concerts de jazz :
jazzinbelgium.com