Ô-Celli
Cap sur l’Amérique!
Cap sur l’Amérique pour les huit violoncellistes d’Ô-Celli, qui revisitent Gershwin, Bernstein, Ellington et Price. Et gravent en première mondiale le triptyque American Wanders du Belge Harold Noben.
Au départ, c’est une histoire d’amitié toute simple, de celle qui nourrit les rêves un peu fous. Mais, surtout, qui les fait aboutir. En créant il y a onze ans Ô-Celli, un octuor de violoncellistes, Sébastien Walnier, soliste à la Monnaie, et Alexandre Beauvoir, chambriste de renom, étaient bien décidés à élargir leur répertoire classique à d’autres horizons, au prix d’arrangements décomplexés de musiques de films, d’opéras populaires et d’airs traditionnels.
Sébastien Walnier
Cette volonté de mixer les genres, nous l’avons eue dès le début.
« Cette volonté de mixer les genres, nous l’avons eue dès le début, insiste Sébastien Walnier. De même que celle de réaliser des arrangements, ce qui est toujours très inspirant pour un musicien. » Ce quatrième CD, Ô-Celli in America, confirme une fois de plus que le pari n’était pas fou et que huit violoncelles, lorsqu’ils s’entendent et s’amusent autant entre professionnels de haut vol, cela déménage.
Avant de traverser l’Atlantique, cet octuor peu banal, souvenez-vous, nous avait déjà gratifié de deux disques revisitant des thèmes classiques récupérés par le septième art, ainsi que d’un Sunnyside, en 2019, qui arrangeait quelques perles hispaniques signées Piazzolla, Villa-Lobos ou Rota. On avait même eu droit en prime à un remake emballant pour huit violoncelles de Bohemian Rhapsody. De Queen…
Mais au fond, pourquoi huit violoncelles, et pas quatre, sachant qu’un quatuor reste la formation clé de la musique de chambre ? « Tout simplement parce que, lorsqu’il s’agit de réinterpréter de grandes œuvres orchestrales, la richesse d’un octuor est infinie. Nous assemblons en fait huit voix solistes, ce qui permet une grande variété de timbres », résume Sébastien.
Démonstration éclatante avec les pièces de cet Ô-Celli in America, heureux melting-pot qui démarre en force avec l’ouverture jazzy de Porgy and Bess de Gershwin. Enchaîne avec la trop rare Ethiopia’s Shadow in America de l’afro-américaine Florence Price. Insère en création mondiale le tryptique American Wanders d’Harold Noben. Poursuit avec Imagination de Fud Livingston et West Side Story de Bernstein. Et s’achève sur un medley arrangé par Michel Herr réunissant une dizaine de standards de Duke Ellington.
Mais que l’on ne s’y trompe pas. Si tout cela sonne parfaitement, si ces arrangements de pièces souvent célèbres ne choquent pas mais révèlent au contraire de nouvelles couleurs, c’est parce que ces partitions sont réécrites à la note près. « Il est vrai, reconnaît Sébastien, qu’il a fallu oser se lancer et que, au départ, nous avons eu quelques hésitations à toucher à de telles musiques. Depuis, certains d’entre nous se sont fait une spécialité de leur adaptation. Nous visualisons plus facilement ce qu’une œuvre peut devenir. Cela n’empêche pas de constantes discussions sur le répertoire au sein de l’équipe, où nous sommes sur un pied d’égalité. » L’affirmation peut surprendre. Dans un quatuor classique, le premier violon est toujours le leader du groupe. Alors, quid dans un octuor ? « Notre philosophie est différente, revendique Sébastien. Nous ne voulons pas de chef. Le premier violoncelle, si l’on peut parler ainsi, varie selon les pièces. De plus, nous arrangeons les pièces pour que chacun ait une ligne alternant passages solistes et d’accompagnement. Et nous échangeons nos places à chaque pièce ! »
Dès lors, au risque de surprendre, la principale difficulté reste en fin de compte l’organisation et la planification des répétitions. Assumée essentiellement par Sébastien et son comparse Alexandre Beauvoir, cette gestion est d’autant plus exigeante que les musiciens évoluent dans des ensembles différents. Si Corinna Lardin côtoie Sébastien à la Monnaie, Jean-Pierre Borboux officie, lui, à l’OPRL, Raphaël Perraud à l’Orchestre national de France et Yoori Lee à l’Opéra national de Paris. Un puzzle que complète Shiho Nishimura et, désormais, la jeune Stéphanie Huang, récente lauréate du Concours Reine Élisabeth. Huit violoncellistes. Un projet. Et déjà quatre disques…