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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Music For Trees

Libre avant tout

BERNARD VINCKEN

Jamais présenté dans sa totalité, Music For Trees c’est aujourd’hui une occasion unique d’entendre ce qui reste de la musique du compositeur, chanteur et (exceptionnel) tromboniste Garrett List lorsqu’il n’est plus sur scène. Rencontre avec Adrien Lambinet et Manu Louis, les deux directeurs artistiques de cet hommage au musicien.

C’est la première fois qu’on est directeurs artistiques sur un aussi gros projet et on apprend beaucoup : convaincre puis réunir les différents intervenants (dont de grosses structures), trouver les dates qui conviennent au planning de chacun, décrocher les budgets… c’est une grosse masse de travail pour une petite équipe. ». Ce projet émerge en 2020, au lendemain du décès du compositeur et à l’initiative de Marie-Pierre Lahaye, l’âme active derrière l’association World Citizens Music fondée par Garrett List en 2006 pour promouvoir sa conception d’une nouvelle musique, sans frontières et intégrative. Le musicien, né à Phoenix en Arizona, s’établit à Liège en 1980, dans un parcours qui converge avec celui de Frederic Rzweski : deux Américains, réunis à New York, puis à Rome au sein de la formation d’improvisation acoustique et électronique Musica Elettronica Viva et enfin au Conservatoire royal de Liège où ils enseignent tous deux à l’initiative d’Henri Pousseur.

 

Adrien Lambinet et Manu Louis
Et puis, il a ce dégoût du capitalisme et de ces “stupid white men”,
de la pub et de se vendre, d’être identifiable.

 

Sa musique se veut « sans genre, sans style, éclectique » : un mélange de classique, de jazz, de chanson pop et de contemporain qui fait du bien. « Au contraire de Stockhausen ou de Cage, il ne fait pas cette différence entre musiques sérieuse et légère : il réintroduit la mélodie, disparue avec l’avant-garde. Il mélange sans hiérarchiser. Il ouvre la porte aux gens, avec la volonté, politique, de jouer une musique qui ne s’adresse pas qu’aux bourgeois. Il remet en avant le groove et l’impro. Sa musique est comme un voyage en train, on y retrouve la notion du temps qui passe, il y a une économie de matériau, de moyen… Et puis, il a ce dégoût du capitalisme et de ces “stupid white men”, de la pub et de se vendre, d’être identifiable, contrairement à un Feldman ou un Reich. Il veut rencontrer les autres, inventer une musique avec eux. »

Parmi ses nombreuses compositions (jazz, symphonique ou de chambre, cantate, solo…), Music For Trees est le projet monumental de List : il en écrit les 24 pièces de 1986 à 1989, autant d’heures d’un voyage poétique, chacune dédiée à un arbre du monde (il habitait près du Jardin Botanique à Liège). « Initialement destinées aux instruments électroniques de l’époque, au fil du temps, il adapte les partitions pour des formules différentes. Le Garrett List Ensemble ou l’Orchestre National de Belgique en joueront des parties, mais Music For Trees n’est jamais proposé dans son intégralité, n’est jamais réfléchi comme un ensemble de 24 pièces. »

C’est donc une première mondiale que proposent Adrien Lambinet et Manu Louis, à Liège (avant des dates en Wallonie), le 12 mai au Mithra Jazz (neuf pièces pour orchestre de chambre et quatre électroniques) et le 26 novembre à la Salle Philharmonique de Liège (trois pièces symphoniques). « On a donc réfléchi. D’abord de façon un peu irréaliste : une performance de près de 4 heures de musique, tout l’un derrière l’autre ? Dingue… et cher. Donc, retour sur terre et en quatre parties, avec l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège, l’Orchestre Symphonique du Conservatoire royal de Liège et l’Orchestra ViVo ! »

« Vivo est sans doute le groupe instrumental le plus abouti de sa carrière : il a la couleur du symphonique – Garrett était un grand amoureux de cette forme orchestrale – mais avec certaines formes de liberté, trop absentes dans la musique du 19e siècle. Ici, il n’y a pas de hiérarchie, pas de chef, les interprètes jouent leur propre musique » : pas d’instrumentiste-esclave de la partition d’un autre et une façon de prendre ses repères qui « ouvre les oreilles et oblige à se concentrer mais qui donne une autre force ».

Music For Trees, c’est l’écriture musicale de Garrett List mise au centre. Ses pièces électroniques réactualisées dans des interfaces dynamiques. La voix magnifique de Lynn Cassiers. Et une mise en scène inspirante signée Denis Mpunga.