Accéder au contenu principal
Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Mustii

Quelque chose en nous de David Bowie

Luc Lorfèvre

Trois ans après 21st Century Boy, Thomas Mustin publie It’s Happening Now, deuxième album inspiré par un traumatisme familial et traversé de sonorités organiques qui tranchent avec la pop synthétique des débuts. S’il se considère toujours comme « un comédien qui fait de la musique », l’ange blond se donne des ailes et les moyens pour se faire une place au soleil.

Le vendredi 26 novembre 2021, jour où nous rencontrons Thomas Mustin, alias Mustii, dans une boulangerie cosy d’Ixelles, le Codeco s’apprête à éteindre à nouveau la lumière de notre vie nocturne alors que Warner Music, la major sur laquelle l’artiste brabançon est signé, publie Brillant Adventure, un coffret récapitulant en onze CD les années 1992/2001 de David Bowie. La première actualité déprime Mustii, la seconde lui donne la niaque. « Je suppose que si je demande aux attachés de presse de Warner, ils m’enverront le coffret de Bowie. Mais je n’ai pas envie d’attendre. Après cette interview, je fonce me l’acheter à la Fnac. Je collectionne tout de Bowie. »

Bowie, c’est l’icône ultime pour vous ?
Thomas Mustin (Mustii) : Oui, à tel point que j’ai parfois peur de l’assumer. Lors de mes premiers concerts, je reprenais l’une ou l’autre de ses chansons, mais je n’ose plus. Par contre, j’en parle tout le temps en promo. Il y avait un peu de Bowie dans le personnage fictif du 21st Century Boy de mon premier album, il y en a aussi dans It’s Happening Now. C’est ma plus grande influence. Dès que je commence à faire de la musique, j’ai Bowie en tête. Chaque fois que je rencontre un musicien avec qui je vais bosser, je lui fais écouter du Bowie. J’adore particulièrement tout ce qu’il a fait dans les années 90’, à commencer par son album 1.Outside.
 

Mustii

Jusqu’à mes dix-huit ans, mes parents m’ont surveillé de près
pour voir si ne je présentais pas des symptômes de schizophrénie.

 

David Bowie a écrit plusieurs chansons sur la schizophrénie, une maladie dont souffrait son demi-frère. C’est un autre parallèle avec votre travail sur votre nouvel album ?
Oui mais ce thème de la schizophrénie qui traverse tout mon album It’s Happening Now est surtout lié à mon propre parcours de vie. Mon oncle, le frère aîné de mon père, souffrait de schizophrénie. Le sujet était tabou dans la famille, mais ça m’a profondément marqué. Ado, quand je le voyais arriver à la maison, c’était un alien. Il était là et pas là. Je ne parvenais pas à comprendre ce qui se passait dans sa tête. Ça a toujours été une énigme pour moi. J’ai demandé à mon père si je pouvais m’inspirer librement de ce traumatisme familial. J’avais pensé d’abord à un court-métrage et je me suis dit que la musique était le meilleur moyen de l’évoquer. L’album commence par la fin, avec It’s Happening Now, un morceau “climax” aux sonorités très dures, presque à la Nine Inch Nails. C’est le moment où le narrateur – mon oncle – décide de “partir” en mélangeant alcool et médicaments. On remonte ensuite le fil de sa vie. Ce n’est pas un disque thérapeutique, ça reste de la pop. L’idée derrière ça, c’est de parler de la solitude, de l’incommunicabilité, de la notion de “normalité”, de la perception de l’Autre. Tout le monde peut se retrouver là-dedans. Moi-même, j’ai été longtemps enfermé dans ma bulle. Jusqu’à mes dix-huit ans, mes parents m’ont surveillé de près pour voir si ne je présentais pas des symptômes de schizophrénie.

It’s Happening Now s’ouvre davantage aux instruments que 21st Century Boy. Pourquoi avoir évolué vers un son plus organique et plus brut ?
Le gros de 21st Century Boy a été conçu dans une cave par Elvin (le producteur/musicien Elvin Galland, – ndlr) et moi. Ça correspondait exactement à ce que je voulais à l’époque et aux musiques que j’écoutais alors. Quand je suis parti en tournée avec des musiciens, j’ai commencé à rêver d’un deuxième album plus organique, moins dans le “tout électro fait en petit comité”. Pour It’s Happening Now, j’ai ouvert les collaborations. J’ai travaillé avec Benoît Leclercq (moitié du duo Delta, ndlr), le Londonien Leo Abrahams (producteur pour Editors, Goldfrapp, Oscar & The Wolf… – ndlr) et la chanteuse anglaise Arianna D’Amato qui m’a donné un coup de main pour la formulation des textes en anglais. L’album a été enregistré entre Bruxelles et Paris. À Paris, on a choisi les studios Vogue. C’est là où Johnny Hallyday faisait ses disques dans les années 60. Un lieu qui paraît un peu décadent aujourd’hui, avec des pièces immenses, du bois partout, des sièges en velours. Pour moi, c’était un gros changement et surtout une première. Je voulais trancher radicalement dans ma méthode de travail, confronter les points de vue, ne pas hésiter à faire des allers-retours dans les morceaux, les laisser mûrir et les nourrir de plusieurs avis. Sur mon premier disque, j’étais davantage dans l’impatience.

 

Mustii

Chaque fois que je rencontre un musicien avec qui je vais bosser,
je lui fais écouter du Bowie.

 

À la sortie de 21st Century Boy, vous déclariez à Larsen que vous vous considériez comme un acteur qui faisait de la musique. Vous avez changé d’avis ?
Non. Dire que je suis un comédien qui fait de la musique, c’est sans doute une manière de me protéger. Mais c’est surtout la vérité. J’ai une formation de comédien alors que je ne maîtrise aucun instrument. Je connais plus de monde dans le secteur du théâtre et du cinéma que dans la musique. En festival, quand je croise d’autres artistes, je n’ose pas trop aller leur parler. Il y a toujours de la distance. En studio, je suis un bricoleur mais j’adore ça. En fait, il n’y a que sur scène que je me sens à ma place. Je tiens les rênes et je maîtrise.

Cinéma, théâtre, télé, concerts : vous serez sur tous les fronts en 2022.
En avril, je présente It’s Happening Now sur scène en Belgique, mais aussi à la Boule Noire à Paris grâce au tourneur français AEG (Rock En Seine), à Londres et à la Rockhal de Luxembourg. Je reprends la pièce Hamlet dès février. Il y a aussi la sortie en salles du film Vous N’Aurez Pas Ma Haine (l’adaptation du livre homonyme d’Antoine Leiris sur les lendemains des attentats du Bataclan) où je joue aux côtés de Camélia Jordana, ainsi que la série française L’île aux 30 Cercueils sur France 2, avec Virginie Ledoyen. En mai, je repars en tournée et puis il y a les festivals. J’ai hâte…


Mustii
It’s Happening Now
Warner