Plogoff
Ciné-concert & lance-pierres
Le film "Plogoff, des pierres contre des fusils" retrace un chapitre méconnu de l'histoire européenne. Passé par le festival de Cannes, ce docu fait à présent l'objet d'un ciné-concert imaginé par Antoine Pasqualini (Monolithe Noir) et Yannick Dupont (Yôkaï, Ottla). Entre ambient, rituel folk et musique répétitive, le duo signe la B.O. d'un récit percutant et engagé.
Pendant le confinement, je me suis interrogé sur ma place dans la société » , confie Antoine Pasqualini. « En tant que musicien embourbé dans un secteur à l’arrêt, j’éprouvais un grand sentiment d’inutilité. Avec ce ciné-concert, j’ai voulu m’engager musicalement et politiquement. Le film que j’ai choisi pose d’ailleurs des questions sur l’état du monde et son fonctionnement… » Le film en question, c'est "Plogoff, des pierres contre des fusils". En 1980, Nicole et Félix Le Garrec promènent leur petite caméra pas loin de chez eux, du côté de Plogoff. Logée à la pointe du Finistère, cette commune est alors agitée par un projet d'État visant à installer une centrale nucléaire sur son territoire. Là où les gens vivent essentiellement de la pêche et de l’élevage des moutons, l’idée passe mal. Au point de susciter la mobilisation générale. Les 2.300 habitants de la localité tiennent tête aux forces de l’ordre avec les moyens du bord. Gendarmes, policiers, parachutistes et militaires sont repoussés avec des slogans et quelques lance-pierres...
Marinières et cirés jaunes
Pendant six semaines, le couple filme une bataille entre les habitants du village et l’État français. Du jour au lendemain, les deux camps s’affrontent. D’un côté, les hommes obéissent aux ordres. De l’autre, la population répond à l’appel du cœur. La lutte est acharnée, inégale. Les jets de cailloux soutiennent des tirs de bombes lacrymogènes. Dépêchée sur place, l’armée se heurte à une déferlante de marinières et de cirés jaunes. « Bien qu’il soit daté, le film embrasse des problématiques actuelles : l’écologie, la place des femmes dans la société ou le combat des Gilets jaunes », remarque Antoine Pasqualini.
Vielle à roue et synthé modulaire
Sélectionné au festival de Cannes 2019, "Plogoff, des pierres contre des fusils" vient d’être restauré. Le voilà désormais au cœur d’un ciné-concert conçu par Antoine Pasqualini et Yannick Dupont. « Entre certaines scènes, il y a des longueurs qui permettent à nos compos de s’imbriquer dans l’intrigue. En cela, nos instruments sont respectueux des paroles et de l’environnement cinématographique. » Aux confins de l’ambient et d’un rituel folklorique, la musique du duo se veut lancinante, intense et répétitive. « À part mon synthétiseur modulaire, les éléments électroniques sont quasi absents. J’utilise une vielle à roue et un harmonium. De son côté, Yannick gère les percussions, mais sans batterie. »
Le Woodstock de l’anti-nucléaire
Entre les orchestrations imaginées par le duo, la colère gronde. « Plutôt mourir que de les laisser entrer ici ! », prévient une mère de famille, filmée entre deux assauts. Encouragés par leurs mamans, les enfants du village fabriquent des lance-pierres et organisent la résistance. Le climat est délétère. Au fil des jours, pourtant, Plogoff va se métamorphoser et, lentement, devenir le Woodstock de l’anti-nucléaire, gagnant au passage le respect de la France entière. Élu président en 1981, François Mitterrand renoncera d'ailleurs à la centrale, se rangeant ouvertement du côté des écologistes. Désormais, Plogoff est un site naturel classé, mais aussi l’intitulé d’un ciné-concert inclassable.